Venus beauté

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Plus posé, plus inventif que son premier album, le Venus nouveau conjugue des atmosphères hypnotiques à un profond travail sur les structures musicales. Une seconde naissance qui, pour nous, est la bonne

CD Vertigone (Capitol), en magasin le 4 mars. Concert le 10 avril aux Halles de Schaerbeek, le 10 mai à Esch-sur-Alzette, au Grand-Duché (+35 2 55 44 93), et le 24 mai à Mouscron (056 84 03 42).

Le premier album de Venus, il y a quatre ans, était, à notre avis, un disque trop patchwork, trop piraté par de multiples influences pour être personnel. Opinion à contre-courant d’une presse belge ou française multipliant les superlatifs à l’égard de cette formation bruxelloise emmenée par Marc A. Huyghens, chanteur au timbre friable et auteur-compositeur touchant. Un second round, sous forme de disque live enregistré au Cirque royal, en compagnie de Musiques Nouvelles, laissait encore perplexe : Venus lard de luxe ou cochon de ferme ? Entre-temps, l’affaire devient un « succès commercial », tout au moins au niveau local.

C’est donc avec appréhension et curiosité que l’on glisse Vertigone dans le lecteur. D’où vient le nouveau vent Venus ? Après le départ du batteur Thomas Van Cottom et du présomptueux « scénographe » Patric Carpentier, l’actuel quatuor Huyghens/Schreurs/Jacquemin/Butty a formidablement resserré ses ambitions, optant pour des plages d’une grande richesse chromatique qui naviguent sur un ton d’une réelle légèreté aérienne. C’est notamment le cas du très accrocheur Beautiful Days qui, d’une bizarre manière, rappelle le talent pop de Robbie Williams (!) avec ce truc unique de rester en vous comme un ami qui vous veut du bien. Marc A. Huyghens a beau écrire des textes parfois vinaigrés sur les accrochages des relations humaines, le disque donne l’impression de respirer la vie à pleins poumons et même de considérer la parano ambiante ( Sand Dollar, consacré à l’Amérique) avec une palette de couleurs vives. Ce n’est pas un hasard si Venus prend l’héroïne du magnifique Sue perdue dans Manhattan pour délivrer une chronique des trémolos urbains au final plus doux qu’amer ( Kallenovsky). Violon, banjo, mandoline, guitares, orgue, batterie, basse, une pincée de percus électroniques, du violoncelle, de la scie musicale ( Million Miles Away) et d’autres instruments encore sont amenés par une douzaine d’invités. Dans Running at Full Speed, une chorale carolo introduit le propos, qui est ensuite déployé par des cordes virevoltantes. Tout cela glisse avec fluidité dans des morceaux qui ont parfois la couleur du meilleur « prog-rock » (entre Brian Eno et Genesis période Gabriel), voire des relents de psychédélisme bien digérés, tout en appartenant parfaitement à ce millénaire.

Sans vouloir brouiller les pistes, on peut écrire que Venus 2003, possible cousin européen d’un Mercury Rev, explore une veine de « lyrisme apaisé ». C’est que, entre-temps, Marc A. Huyghens s’est baladé entre l’Italie et San Diego et a fait des rencontres musicales qui agrandissent sa vision du monde. Et, donc, l’interprétation qu’en fait Venus, qui crée collectivement sa musique.

 » Le premier disque avait un cadre plus strict mais plus expérimental. Pour Vertigone, on se sent plus à l’aise avec nous-mêmes. J’ai l’impression que cet album transporte une plus grande fraîcheur », explique Marc, aux côtés du bassiste Pierre Jacqmin et du violoniste-multi-instrumentiste Christian Schreurs. Une ambiance détendue accompagne le sentiment d’avoir réalisé un « disque juste », qui fait rêver tout en gardant les pieds sur terre. Mais l’onirisme de la musique vénusienne ne doit pas faire oublier la difficulté à exister véritablement dans un marché du disque « staracadémisé ». Après la faillite de son label italien, Venus a signé avec Capitol-France et un management français, celui qui s’occupe, entre autres, de la carrière d’Arno. Les chiffres réalisés à ce jour – 30000 copies vendues pour les deux premiers CD – rappellent que l’ampleur du succès est toute relative et que les membres du groupe, tout en vivant de leur art, sont très loin du statut de riches pop stars. Il est, par contre, quasi certain que Vertigone les place maintenant au rang de véritables créateurs et qu’il donne envie de passer du temps en sa compagnie. Le reste est à découvrir prochainement en concert où le quatuor – augmenté d’un cinquième musicien – va défendre ses nouveaux vertiges dans des arrangements adaptés à la scène. Une expérience ambitieuse qui ouvre de réelles perspectives internationales. C’est tout le mal qu’on leur souhaite.

Philippe Cornet

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