Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux : l’ouverture audacieuse des évêques flamands aux couples homosexuels (chronique)

Pierre Havaux Journaliste au Vif

L’épiscopat flamand vient de jeter un certain trouble dans le monde catholique. Sans aller jusqu’à autoriser le mariage religieux aux couples de même sexe ni accorder une bénédiction nuptiale, la décision des évêques du nord du pays de prévoir à leur intention une prière collective a été perçue comme un geste quasi-révolutionnaire, une forme de défi à la doctrine de l’Eglise et à l’autorité même du Vatican.

Divine surprise? Elle a du moins eu le don d’émouvoir le monde catholique à l’échelle planétaire. Ils ont fait plutôt fort, les évêques de Flandre, dont la main tendue à la communauté LGBTI est loin d’être passée inaperçue. Les couples homosexuels qui aspirent à voir leur union trouver grâce aux yeux de l’Eglise ne se heurteront plus à des portes closes dans les paroisses de Flandre.

Pas de méprise ni de faux espoirs: il n’est point question ici d’envisager un mariage religieux, lequel ne peut se concevoir qu’entre un homme et une femme aux yeux de la doctrine catholique, ni même d’accorder une bénédiction nuptiale. Mais bien d’autoriser une liturgie spécifique sous la forme d’une prière à l’occasion de laquelle un couple de même sexe pourra demander à Dieu de veiller sur son union, sans que l’on sache encore le rôle précis qu’y tiendra le prêtre. La formule consacrée «je vous déclare uni.e.s par les liens du mariage» n’y sera pas prononcée mais la possibilité d’un échange d’alliances n’est pas exclue, commente Willy Bombeek, ancien porte-parole du réseau d’enseignement catholique flamand, lui-même gay et coordinateur du groupe de réflexion «Homoseksualiteit en geloof» (Homosexualité et foi) qui a engendré cette audacieuse décision épiscopale nullement tombée du ciel.

Ils ont fait fort, les évêques de Flandre, dont la main tendue à la communauté LGBTI est loin d’être passée inaperçue.

Le geste, sans précédent, revient en somme à sortir d’une certaine clandestinité les bénédictions de couples homosexuels déjà accordées ici et là à l’échelle locale, et à uniformiser l’approche en la codifiant subtilement. Cela peut sembler peu, et même tiré par les cheveux. En réalité, c’est perçu comme quasi révolutionnaire et c’est bien assez pour que la nouvelle ait fait le tour du monde catholique et soit commentée par la presse internationale. Assez pour que les regards se tournent vers Rome et le Saint-Siège, directement interpellé par cette forme de défi à son autorité et cette entorse apparente à la doctrine de l’Eglise qui persiste à prohiber toute forme de bénédiction qui tendrait à reconnaître les unions de personnes de même sexe, un interdit encore réaffirmé en 2021. Sauf que le pape François avait paru moins intransigeant sur la question lorsqu’il exhortait, en 2016, à réserver bon accueil à tout être humain «quelle que soit son orientation sexuelle» et à s’abstenir de la discriminer injustement, sans aller cependant plus loin.

Les évêques flamands, à ce stade non suivis par leurs alter ego francophones, ont dû y voir l’opportunité de s’engouffrer dans la brèche timidement ouverte par le Très Saint-Père, avec l’espoir raisonnable de ne pas s’attirer les foudres du Vatican placé devant le fait accompli. C’est là tout l’art de la manœuvre qui a conduit l’épiscopat nordiste à cette position d’équilibriste. Se pourrait-il que le souverain pontife désavoue cette volonté explicite de demeurer auprès des personnes homosexuelles sur le «chemin parfois complexe qu’elles suivent pour admettre leur orientation, l’accepter et la vivre positivement»? Que le pape réprouve l’ouverture au sein des diocèses de Flandre d’un point de contact à l’intention des croyants homosexuels et de leurs proches en quête d’écoute et d’accompagnement? Sacré sujet de discussion entre le pape François et les évêques de Belgique attendus au Vatican en novembre prochain.

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