Van Rompuy et la périlleuse passe de trois

Austérité, quand tu nous tiens… Wilfried Martens l’avait imposée au forceps dans les années 1980. Jean Luc-Dehaene avait récidivé avec une poigne de fer dans les années 1990. Au tour de Herman Van Rompuy de s’y frotter. Dans des conditions plus ingrates que jamais. Inventaire.

Le voilà au pied du mur. Ce 20 septembre, le Premier ministre Herman Van Rompuy (CD&V) doit informer la Commission européenne de la manière dont son gouvernement envisage de remettre petit à petit la Belgique sur les rails de l’orthodoxie budgétaire. Premier devoir délicat, suivi d’une pénible confection des budgets 2010 et 2011. Et vogue la galère… Cap sur la rigueur ou l’austérité budgétaire : allez savoir. Peu importent les mots, l’heure est aux sacrifices. Longs et douloureux, tant le revers de fortune est cinglant. Tel un boomerang, il replonge les finances publiques belges dans l’état comateux qu’elles affichaient il y a vingt ans. Avec le retour brutal à des déficits budgétaires de 6 à 7 % du PIB, synonymes de gouffres de l’ordre de 20, voire 30 milliards d’euros. Avec une envolée de la dette publique, qui repart vers les sommets et pourrait à terme pulvériser son record de 13 % du PIB. Avec des charges d’intérêts sur cette même dette qui reprennent du poil de la bête et raniment le funeste effet boule de neige. De mémoire d’analyste budgétaire, il faut remonter au début des années 1990 pour retrouver une dèche aussi dramatique. Au temps du Plan global de 1993, des coupes claires opérées dans les dépenses publiques, des accès de rage taxatoire, des plans drastiques d’économies. Cette mauvaise passe, vécue de 1992 à 1997, n’était pas la première du genre. Après un bref répit dominé par  » le retour du c£ur  » de 1988 à 1991, elle s’additionnait à sept interminables années de restrictions en tout genre imposées dans les années 1980.

L’enfer est pavé de bonnes intentions. Il a d’abord fallu éviter à tout prix la faillite de l’Etat et réparer l’incurie dans la gestion des finances publiques des années 1970. Puis arrimer coûte que coûte le pays à l’euro et le faire entrer dans le paradis économique européen dans les années 1990. Aujourd’hui, c’est la déglingue de l’économie mondiale et le défi crucial du vieillissement démographique qui exigent son tribut. A chaque fois son lot de sueur, de sang et de larmes. Et sa dose de grogne et de contestation. Le sort semble s’acharner sur la  » connection CVP « , en désignant une fois encore un de ses représentants pour piloter cette tâche ingrate. Après Wilfried Martens dans les années 1980, et Jean-Luc Dehaene dans les années 1990, c’est au tour de Herman Van Rompuy d’entamer cet austère devoir. La filiation est patente.

L’homme ne peut réussir seul. Il va devoir compter sur des soutiens solides, activer des relais précieux, miser sur des hommes clés. Supputer la force des résistances. Résister à la pression. Faire preuve d’inventivité, de ruse, d’intuition, d’audace, de poigne. Redoubler d’obstination pour soutenir l’effort sans faiblir ni flancher. Martens comme Dehaene ont relevé le défi titanesque, à leur manière. Van Rompuy connaît aussi la chanson mais il n’a pas encore livré ses  » bottes secrètes « . Dans une Belgique de plus en plus ingouvernable, les acteurs clés des austérités précédentes sont unanimes : sa tâche s’annonce d’une complexité folle, sans égale. En homme volontiers guidé par les leçons du passé, Van Rompuy doit apprécier la cruelle ironie de l’Histoire. C’est Martens, appelé à la rescousse par le roi pour dénouer la crise suite à la démission d’Yves Leterme, et Dehaene, un temps pressenti pour prendre la relève, qui l’ont convaincu d’endosser le costume de Premier ministre en janvier dernier. Van Rompuy a £uvré dans l’ombre de l’un comme de l’autre, aux temps les plus tourmentés de leur mission. Pourra-t-il se révéler en pleine lumière ?

Sources : Hugo De Ridder, Le cas Martens – Le Cas Dehaene, éd. Duculot/Racine ; Wilfried Martens, Mémoires pour mon pays, éd. Racine

dossier réalisé par PIERRE HAVAUX; P. Hx

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