Une seconde vie pour les panneaux solaires

Les premiers panneaux solaires photovoltaïques sont arrivés en fin de vie. Et parmi eux, les 2 000 modules installés au domaine provincial de Chevetogne en 1983.

Dans une vingtaine d’années, il faudra démanteler pas moins de130 000 ton-nes de panneaux en Europe ! Une association a été créée au niveau européen pour les récupérer et les recycler. Les éléments de Chevetogne ont permis de faire un test grandeur nature. Ils ont été traités en Allemagne avec des résultats encourageants.

Tout démarre en Allemagne, en 2005. Regroupés au sein de la fédération BSW (Bundesverband Solarwirtschaft), de gros fabricants de panneaux photovoltaïques sont confrontés à une hausse vertigineuse du prix du silicium qui sert à fabriquer les cellules transformant l’énergie solaire en électricité. Ils décident alors de mener des recherches pour recycler le précieux composant. L’intérêt de la démarche est donc purement économique, mais il s’étoffe rapidement d’une dimension environnementale. Il est vrai qu’à l’époque, déjà, de plus en plus de clients s’interrogent :  » Qu’adviendra-t-il de mes panneaux lorsqu’ils devront être remplacés ? « 

Les premières installations datent des années 1990, principalement en Allemagne et en Espagne. Des fabricants ont considéré qu’il serait judicieux de faire preuve de proactivité : plutôt que d’attendre une directive européenne inévitable à moyen terme, ils ont décidé de jouer la carte de  » producteurs responsables  » en s’organisant pour mettre au point une filière de récolte et de recyclage des panneaux. Et, dans la foulée, d’établir un dialogue à ce sujet avec les autorités européennes. C’est ainsi qu’une  » Association européenne pour le recyclage des modules photovoltaïques  » a été portée sur les fonts baptismaux en 2007 sous le nom de PV Cycle.

Discussions avec la Commission européenne

Managing director de la jeune entité dont le siège se trouve à Bruxelles (institutions européennes obligent), Jan Clyncke mesure le chemin parcouru au cours de ces derniers mois.  » Après un inévitable délai de mise en route, nous avons désormais trouvé notre vitesse de croisière. Nous comptons à présent 49 membres : 8 sont des associations professionnelles et des instituts de recherche ; les 41 autres sont des fabricants représentant environ 85 % du marché européen. Outre nos « nationaux », on y retrouve aussi des Chinois, des Japonais et des Américains. « 

Fort de cette représentativité, PV Cycle a entamé une démarche volontaire vis-à-vis de l’Europe.  » On se souvient que dans d’autres domaines du recyclage, tels que les appareils électriques, l’industrie automobile ou les emballages, les fabricants ont été placés devant le fait accompli d’une législation. De notre côté, nous avons préféré entamer des discussions avec la Commission européenne pour proposer un texte qui rencontre ses souhaits, avec des objectifs clairs et une transparence totale en ce qui concerne notre industrie et les travaux que nous réalisons. Nous envisageons même de créer une commission de monitoring dans laquelle seront associés des organismes de défense de l’environnement. Au stade actuel, nous peaufinons le texte qui sera soumis à la Commission. Nous le présenterons ensuite au Conseil et au Parlement. « 

En pratique, c’est en Allemagne et en Espagne que la première filière de collecte et de recyclage sera mise en place.  » Les appels d’offres sont en cours et nous serons opérationnels avant la fin de 2010 dans ces deux pays. Les propriétaires de panneaux ou leurs installateurs seront invités à démanteler les anciens dispositifs et à déposer les panneaux dans des conteneurs aménagés. A partir de ce moment, nous prendrons en charge le reste de la filière, jusqu’au recyclage. Pour assurer cette logistique et constituer des réserves financières pour l’avenir, nos membres paieront, à partir de l’an prochain, une contribution volontaire de 24 eurocents par kilo de panneau photovoltaïque produit. « 

Actuellement, si l’on excepte les modules de Chevetogne traités en Allemagne, il existe encore très peu de volume à recycler : il s’agit essentiellement de panneaux détériorés lors du transport ou du placement et d’éléments remplacés dans le cadre d’une garantie. Le gros boom est attendu à partir des années 2020, avec un pic estimé à 130 000 tonnes de matières à recycler en 2030. Un marché colossal !

La méthode utilisée dans l’usine de SolarWorld à Freiberg ressemble à celle de… votre boulanger. En effet, c’est dans un four que les panneaux sont introduits après avoir été préalablement débarrassés du boîtier en plastique (la  » junction box « ) qui les orne à l’arrière. Chauffés à 500 ou 600 degrés (ni trop, ni trop peu), les modules se décomposent sous l’effet de la chaleur, un peu comme le ferait un millefeuille dont les différentes couches se sépareraient en gonflant.

Une fois refroidis, les panneaux sont traités manuellement par un opérateur qui extrait séparément l’aluminium, le verre, le silicium, le cuivre et le plastique. Les quatre premiers éléments sont recyclés ; seul le plastique pose problème. Sans lui, le taux de recyclage des panneaux serait de plus de 90 %. Avec lui, cette moyenne retombe à 85 %. Mais on peut supposer que des panneaux de conception plus récente que ceux de Chevetogne seront moins chargés en matières non recyclables.

Chevetogne, pionnier du solaire en Belgique

Directeur technique du domaine de Chevetogne, Gérard Bournonville aime rappeler que c’est l’institution provinciale namuroise qui a ouvert la voie du solaire en Belgique.  » Dès 1981, nous avons installé un champ de panneaux solaires thermiques pour chauffer l’eau de notre piscine. L’idée était déjà révolutionnaire, mais, deux ans plus tard, grâce à un projet européen, nous avons fait coup double en installant près de 2 000 panneaux photovoltaïques chargés, eux, de produire de l’électricité pour nos installations. Au milieu des années 1990, ces derniers ont toutefois commencé à montrer des signes de faiblesse. Ils se sont détériorés et nous avons enregistré une diminution progressive de leur rendement. Nous avons débranché l’installation en 2002. Les panneaux thermiques, eux, continuent à fonctionner. « 

Il y a peu, de nouveaux panneaux photovoltaïques ont remplacé leurs ancêtres envoyés au recyclage en Allemagne. Détail indicatif de l’évolution des techniques : ils occupent trois fois moins de surface mais produisent autant d’électricité que les précédents !

FRANCIS GROFF

un marché colossal : 130 000 tonnes de matières à recycler en 2030

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