Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens: petite attaque en règle contre les hommes qui retirent la capote sans prévenir

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Aux Pays-Bas, un trentenaire vient d’être condamné pour avoir retiré son préservatif sans prévenir lors d’une relation sexuelle. Un phénomène qui s’appelle le « stealthing » et qui est une nouvelle illustration de l’infériorisation du corps des femmes.

Un homme, une femme, un regard, un frôlement… Puis les vêtements se retrouvent par terre. Un samedi soir sur la terre à Rotterdam. Eté 2021.

Mars 2023. Même homme, sur le banc des accusés. Même femme, sur celui des parties civiles. Pas un regard, plus de frôlement. Car en principe ils n’auraient pas dû être complètement nus, ce soir-là. Devait subsister un bout de latex entre eux. Ainsi en avaient-ils convenu. Mais il l’avait retiré. Sans prévenir. L’homme de 28 ans vient d’être condamné pour agression sexuelle (l’accusation de viol n’a pas été retenue). Trois mois de prison (avec sursis): une première aux Pays-Bas.

Fallait pas virer le condom, mec. Infliger des semaines d’angoisse à l’idée de s’être chopée «au mieux» une IST, au pire une grossesse non désirée, tout ça pour trente secondes de plaisir autocentré?

Certains estiment, apparemment, que le stealthing (ou le furtivage, comme l’appellent les Canadiens si peu adeptes des anglicismes) vaut le coup. C’est qu’il ne faudrait pas devenir tout mous. C’est comme ça qu’ils se justifient, les «allergiques» au latex: «Ah mais non, impossible. Moi, avec ça, je n’y arrive pas», «Si je mets ça, je ramollis de suite», «Désolé, mais c’est pas très agréable, hein». Une chlamydia ou une gonorrhée non plus. Petit conseil à ces champions de la performance, que des morpions effraieront sans doute moins qu’une peine de prison (car, en Belgique aussi, depuis la réforme du code pénal en 2022, le stealthing est considéré comme une infraction pénale): la bouche et les doigts, c’est aussi très (voire plus) efficace.

Difficile de ne pas déceler, dans le retrait dissimulé d’une capote, le signe d’une infériorisation du corps des femmes.

Générations sans capote: la protection devient, souvent, une phase de négociations. C’est qu’il ne fait plus trop peur, le VIH, depuis qu’on peut «vivre avec». Et cette insouciance ne serait pas uniquement celle de la jeunesse, comme le rappelait Thierry Martin, directeur de la Plateforme prévention sida, dans ces pages en août dernier. «Les IST concernent justement des individus plus âgés ayant perdu l’habitude du préservatif, comme par exemple les personnes qui ont été en couple pendant un certain temps et qui ont perdu les réflexes de prévention.»

Si rechigner à sortir couvert est une chose, faire semblant de l’être pour, in fine, laisser libre cours à ses spermatozoïdes en est une autre. Et le culte de la performance, si masculin et phallocentré, ne peut pas tout expliquer. Difficile de ne pas déceler, dans le retrait dissimulé d’une capote, le signe (encore un) d’une infériorisation du corps des femmes. Le geste d’un propriétaire sur un «bien» censé lui appartenir et dont il devrait faire bon usage, à sa guise, sans entrave. Sans en assumer les éventuelles conséquences. «Décider de se passer de capote sans consulter sa partenaire signifie aussi que l’on n’a pas parlé contraception avec elle, donc que cela lui incombe, que c’est elle qui devra prendre en charge financièrement et physiquement une éventuelle IVG. C’est un mépris structurel des femmes, avançait Marlène Schiappa, l’ancienne secrétaire d’Etat française en charge de l’égalité des genres, dans les colonnes des Inrocks en 2017. Les hommes montrent de quel côté est le pouvoir: le leur.»

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