UN VOLCAN A HAUT RISQUE

Un an après la terrible éruption qui dévasta la ville de Goma, à l’est du Congo, le Nyiragongo reste l’un des volcans les plus actifs et les plus imprévisibles au monde. Il requiert donc une surveillance de tous les instants. ReportageDe notre envoyée spéciale

De notre envoyée spéciale

« Nous avons fait à nouveau nos valises et revécu l’angoisse du 17 janvier 2002 lorsque le Nyiragongo, coiffé depuis quelque temps d’un haut panache rouge, visible la nuit, nous a plongé soudainement dans un brouillard de gaz », raconte un an après le drame une infirmière de Goma. Le dioxyde de soufre, mêlé au CO2 et au fluor, provenait bien d’un dégazage du cratère, à la faveur de vents saisonniers. Les concentrations, heureusement, sont sans danger pour les voies respiratoires. Par contre, la santé des populations des villages non désservis par un réseau de distribution d’eau est sérieusement menacée par l’utilisation d’eaux polluées et acides, suite au mélange des gaz et de l’eau de pluie.

Le 24 octobre 2002, un tremblement de terre avait déjà secoué les habitants. Le Nyiragongo et un volcan voisin sont situés dans une zone particulièrement fragile et mouvante du rift, fossé d’effondrement, ouest-africain, de formation récente et très actif sur le plan sismique. L’expérience a montré que les séismes d’une magnitude de 4 à 5 sur l’échelle de Richter provoquent une montée de lave dans le cratère, qui peut aller jusqu’à l’éruption. Les éruptions de 1977, 1994 et 2002 ont toutes été précédées d’un séisme, d’où l’inquiétude permanente des habitants.

De plus, quelle n’avait pas été la surprise des volcanologues de voir réapparaître très vite, au fond du cratère, vidé par le déversement de 20 millions de métres cubes de roches en fusion, un nouveau lac de lave, alimenté depuis la profondeur ! « Nous pouvons à présent prévoir par où le volcan respire », explique le volcanologue Célestin Kasereka de l’Observatoire de Goma. Mais, c’est aussi « un indicateur fort sur la nécessité d’une vigilance constante ! » enchaîne le Français Jacques Durieux. Cette vigilance n’était assurément pas de mise la veille de l’éruption, voici un an.

En octobre 2001, un tremblement de terre significatif est ressenti dans la région. Une fumée noire émane du cratère, suivie de grondements et de vibrations. Treize jours avant l’éruption, les volcanologues observent les mêmes phénomènes et enregistrent un séisme inquiétant. Bien plus, la population des villages voisins donne une indication qui ne trompe pas sur l’élévation de la température: la bière de banane enfouie dans le sol fermente en deux jours au lieu de quatre. Pour l’équipe de l’Observatoire de Goma, le risque d’éruption est imminent. Ils font rapport aux autorités ainsi qu’aux agences onusiennes et aux ONG mais ne ils sont pas autorisés à avertir la population. Aucun plan d’évacuation n’est mis au point. Les volcanologues attendent désespérément le budget demandé pour se rendre sur le terrain et y faire les observations indispensables. Le 17 janvier, ils se réunissent sous l’égide d’une agence onusienne quand le Nyiragongo crache son déluge de feu. Deux coulées de lave de 2 à 4 mètres de hauteur engloutissent le centre-ville de Goma et coupent la ville en deux. Une centaine d’habitants  » seulement  » perdent la vie, mais davantage de personnes mouront dans les pillages qui suivent l’éruption elle-même. En 1977, l’éruption avait fait plus de 500 morts.

Le nombre réduit de victimes s’explique par la vitesse relativement lente de la lave (20 km/h), qui dévale, cette fois, à partir de fissures réactivées, situées nettement plus bas que le cratère. Cependant, de 300 000 à 400 000 personnes sont acculées à fuir la fournaise et les émanations de gaz. 120 000 d’entre elles resteront sans toit.  » Il faut parfois une bonne éruption pour être payé et voir son travail reconnu « , disent les volcanologues de Goma, très présents sur tous les fronts depuis janvier 2002. En mai dernier, les scientifiques congolais, encadrés par le professeur Lockwood, montent en expédition dans le parc des Virunga vers la fissure de Shaheru à 2300 mètres d’altitude d’où est partie la lave, jusqu’au cratère principal du Nyiragongo, dont le sommet culmine à 3470 mètres d’altitude. La forêt dense du parc est réputée comme une zone de grande insécurité, minée et cachant milices ou déserteurs, voire de présumés génocidaires rwandais. L’entrée dans ce territoire interdit au public ne peut se faire qu’avec l’encadrement de gardiens armés. Sous nos pas, des laves lisses et argentées avec de jolis reflets verts et bleus cassent comme du verre tandis que d’autres, en agrégat, rendent la progression particulièrement pénible et coupent comme des lames de rasoir. Au cours de l’ascension, l’expert américain découvre des roches anciennes emprisonnées dans des laves récentes. Ce qui témoigne d’explosions particulièrement violentes et d’une activité strombolienne (lave très fluide avec projection de bombes et de petites pierres), avec les risques que cela comporte. Pour les volcanologues, la priorité était d’établir une carte des poches de gaz (CO2) et une carte des failles afin d’éclairer les bâtisseurs de la nouvelle ville. Car, lors des prochaines éruptions, la lave risque de reprendre le même chemin, le long des failles, plus loin, plus fort…. Mais les volcanologues ont bien du mal à remplir leur mission. En septembre dernier, 4 membres de l’équipe ont été frappés, torturés et incarcérés durant un mois. Victimes d’une machination politique dans un contexte troublé mais, peut-être, aussi, pour avoir fait simplement leur travail. Quelques jours avant leur arrestation, ils mentionnaient dans leur rapport une teneur hautement toxique en CO2 dans un camp de sinistrés mis en place par les autorités.

Aujourd’hui, tout en installant un système de surveillance valable, les volcanologues doivent aussi apprendre aux Gomatraciens à connaître et à vivre avec le volcan, jadis rendu célèbre par Haroun Tazieff.

Béatrice PETIT

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