Un siècle belge

Le mouvement olympique belge fête ses cent ans. Entre nostalgie et espoirs lointains

(1) Le COB deviendra le Comité olympique et interfédéral belge (COIB) en 1978.

Au début du xxe siècle, l’olympisme est encore une idée neuve. L’internationalisme coalisé par et pour des joutes amicales n’a pas que des partisans, comme deux effroyables conflits viendront encore le montrer en Europe. Les idéaux et les structures olympiques seront ballottés et utilisés par les Etats et leurs nationalismes. Pourtant, doucement, le sport gagne ses titres de noblesse dans les classes dirigeantes  » travaillées « , entre autres, par le baron français Pierre de Coubertin, l’inventeur des Jeux olympiques des temps modernes, organisés pour la première fois en 1896, à Athènes. C’est ainsi que celui-ci rencontra le roi Léopold II en 1901 :  » L’intimidant souverain saisissait admirablement la valeur des sports comme instrument de formation d’individualités puissantes, et ses visées coloniales y trouvaient leur compte « , racontera-t-il dans ses Mémoires. Et quand, en 1905, Bruxelles accueillit le congrès du Comité olympique international que le pionnier français créa en 1894,  » le maximum de paix olympique y fut obtenu face à nos adversaires « .

Un an plus tard naît le Comité olympique belge (1). Il est fondé le 18 février 1906 à l’hôtel Ravenstein, à Bruxelles. Des dizaines d’athlètes belges ne l’avaient pas attendu puisqu’ils avaient déjà rapporté des Jeux de Paris, en 1900, 21 médailles, dont 8 d’or. On y était imbattable au tir aux pigeons, au tir à l’arc. Et en aviron, on tenait tête aux meilleurs Anglo-Saxons.

Pêche miraculeuse

La jeune institution noir-jaune-rouge va rapidement s’illustrer puisque, après la Première Guerre mondiale,  » en hommage au courage dont les Belges ont témoigné au cours de celle-ci « , les Jeux de 1920 sont confiés à la ville d’Anvers. Le sport reprend ses droits sur le Vieux Continent ensanglanté. Non sans embûches. Délais d’organisation très courts (seize mois), improvisation générale, absence de mécènes, prix d’entrée exorbitants, déficit astronomique (622 000 francs de l’époque) :  » les Jeux ressuscités « , selon le titre d’un livre du Pr Roland Renson, présenteront un bilan en demi-teinte. L’Allemagne vaincue, l’Autriche, la Hongrie, la Turquie et la Bulgarie étant exclues d’office, seuls 29 pays sont présents (le CIO compte aujourd’hui 202 Etats membres). Le public ne  » marchera  » que pour les matchs de football, de boxe et de lutte, les autres disciplines sportives n’étant suivies que par les plus riches. Pourtant, les athlètes belges y auront une pêche d’enfer, pêche miraculeuse de médailles à la clé. On n’en remportera plus jamais autant : 42, dont 16 en or. Les meilleurs du monde en foot et en cyclisme, mais surtout… au tir à l’arc ! Cible fixe, petite ou grande, à 28 ou à 33 mètres, cible mobile, en individuel ou par équipes : on rafle tout, notamment grâce à Hubert Van Innis et Edmond Van Moer. Autre particularité de ces Jeux : deux artistes belges s’adjugeront l’or en… musique et en sculpture !

Le tir (lutte) à la corde faisait encore partie des 22 sports programmés ( 28 pour 37 disciplines aux J.O. d’Athènes, en 2004), mais Anvers 1920 est entré dans l’histoire : c’est lors de la cérémonie d’ouverture, en présence du roi Albert Ier, que le drapeau et le serment olympiques sont apparus pour la première fois. Ce dernier fut prononcé par Victor Boin, un escrimeur et joueur de water-polo. Une piscine bruxelloise typique (Saint-Gilles) porte encore son nom. Quant au drapeau, initialement confectionné par un grand magasin parisien en vue des Jeux – annulés – de Berlin en 1916, il fut volé par un plongeur américain, Hal Haig Prieste, médaillé de bronze, qui ne le restitua au CIO qu’en 2000, à Sydney, un an avant de mourir à 104 ans !

Le grand ordonnateur de ces Jeux fut le comte Henri Baillet-Latour (1876-1942), descendant d’un commandant de l’armée des Pays-Bas et d’un membre du Congrès national de 1830. Il succédera, en 1925, à Pierre de Coubertin à la tête du CIO. Il en était donc le président lors des éditions controversées de Berlin et de Garmisch-Partenkirchen, en 1936, sous le régime nazi. On crédite le comte du courage et du mérite, lors d’une visite, avant les Jeux, dans la station bavaroise, d’avoir persuadé Hitler d’enlever des panneaux portant la mention  » Interdit aux chiens et aux juifs « .

Le Belge, qui  » sauva  » les Jeux pendant la dure période d’entre-deux-guerres, a ouvert la voie à d’autres compatriotes qui se sont illustrés au CIO, de Raoul Mollet, président du COIB de 1965 à 1989, à Jacques Rogge, qui a accédé à la présidence de l’instance suprême de l’olympisme en 2001.

Depuis la création des Jeux modernes, la Belgique a remporté 157 médailles – dont 41 d’or ( voir ci-contre) – lors de 25 olympiades estivales et hivernales. A Athènes, en 2004, seuls Justine Henin-Hardenne (tennis, médaille d’or), Axel Merckx (cyclisme, médaille de bronze) et Ilse Heylen (judo, bronze) nous ont fait vibrer. Maigre bilan ? Oui, en quantité de médailles. Toutefois, si l’on considère le nombre de places de finale et du top 8,  » les résultats des Jeux d’Athènes s’avèrent être les meilleurs de l’après-guerre « , relativise le nouveau président du COIB, Pierre-Olivier Beckers. Sa stratégie consiste, grâce à un programme de huit ans et à un budget de 3,25 millions d’euros par an, d’augmenter  » de manière significative  » le nombre de Belges dans les 8 meilleurs à Londres en 2012 et aux JO de 2016. Autant dire qu’on ne peut pas espérer grand-chose à Pékin en 2008.

Pierre Schöffers

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