Un nouveau rendez-vous avec Béjart

Ecrivain et plasticien, Michel Robert a été le confident et le  » scribe  » du chorégraphe pendant les quinze dernières années de sa vie. Son dernier opus Béjart. Si Dieu le veut nous fait redécouvrir ce grand humaniste, simple et généreux.

Le Vif/L’Express : Comment avez-vous rencontré Maurice Béjart ?

Michel Robert : En novembre 1994, j’ai assisté au palais des Beaux-Arts à l’hommage à Jorge Donn, son danseur fétiche, mort du sida. Béjart était présent. A l’époque, je préparais un livre sur les étrangers en Belgique et son témoignage m’intéressait. J’ai forcé la porte de sa loge pour demander une interview. Une grande complicité est née. Les interviews se sont multipliées à Bruxelles ; très vite, il m’a invité chez lui à Lausanne.

Et votre vie a basculé…

Oui. J’ai eu une chance extraordinaire. Le projet du livre sur la Belgique a été très vite abandonné et remplacé par Conversations avec Maurice Béjart, sorti en 2000. Au fil du temps, j’ai été happé par cet univers de la création et de la danse. Béjart est devenu un ami et un deuxième père. J’étais son confident, son interlocuteur privilégié, son documentaliste et sa  » machine à souvenirs « , continuellement à sa disposition, comme le scribe d’un pharaon. Le premier livre a été suivi par Ainsi danse Zarathoustra puis par Maurice Béjart, une vie.

Dans votre nouvel ouvrage, vous insistez sur son attachement à Bruxelles. D’où vient-il ?

Né à Marseille en 1927, il a débuté très modestement à Paris. Il est arrivé à Bruxelles, fauché, en 1959, à la demande de Maurice Huisman, le nouveau directeur de la Monnaie, pour monter Le Sacre du printemps, de Stravinsky. Le succès fut phénoménal, concrétisé par la création des Ballets du XXe siècle. C’est à Bruxelles, entre 1960 et 1970, qu’il a réalisé ses créations les plus importantes. Béjart y a vécu 27 ans, le temps de construire une vie. Il adorait la ville et la simplicité des Belges. Il appartenait à la vie culturelle bruxelloise dans son quotidien.

Pouvez-vous rappeler les circonstances de son départ pour Lausanne ?

Gerard Mortier a pris les rênes de la Monnaie en 1987. L’opéra était son intérêt premier. Il y a eu surtout un désaccord financier. Les tournées des Ballets rapportaient énormément et Béjart demandait une reconnaissance financière qu’il n’a jamais obtenue. Pour le bien de son £uvre, il a préféré quitter la Belgique. La France lui a fait une proposition, mais accompagnée d’un délai de réflexion. En termes de temps et d’assurance financière, les Suisses étaient plus rapides, contrairement à la légende. Béjart Ballet Lausanne a été créé en quelques semaines.

Quelle a été son influence sur la danse ?

Avant, la danse était réservée aux balletomanes et aux salles de 200 personnes. Béjart l’a popularisée auprès de tous les publics, en allant dans des endroits les plus reculés. Il a transcendé tous les clivages, dont les clivages sociaux. Dans ses ballets, l’homme a été mis à l’avant, à l’égal de la danseuse, ne se contentant plus de la porter. Il a imposé le torse nu chez les danseurs. Son influence concerne aussi la musique. Le public a pu découvrir les grands compositeurs du XXe siècle, la musique concrète de Pierre Schaeffer, Pierre Boulez, la musique électroacoustique de Pierre Henry ou encore la dodécaphonie d’Anton Webern.

2 Béjart. Si Dieu le veut. Ed. Racine, 184 p.

ENTRETIEN : BARBARA WITKOWSKA

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire