Bruxelles est la prochaine destination sur la check-list du groupe allemand Meininger. Et pas la moindre. L’ancienne brasserie Belle-Vue, à Molenbeek, s’enorgueillit d’ores et déjà d’en accueillir le futur » flagship hotel « .
A la tête de cinq implantations berlinoises et de cinq autres dans les plus grandes villes allemandes, la chaîne hôtelière Meininger s’attaque à présent aux métropoles européennes. Après Londres (en 2006), Vienne (en 2007, suivie d’une double offensive en 2011), et bientôt Amsterdam (au printemps 2012), la voici qui lorgne Paris, Barcelone, Budapest, Zurich, et surtout… Bruxelles. Qui bénéficie d’une attention particulière, étant destinée à porter les couleurs du nouveau fleuron de l’hôtellerie outre-Rhin.
Comme toutes les success stories, celle du trio de quadragénaires et amis d’enfance qui ont fondé les hôtels Meininger fait rêver. D’autant plus qu’elle commence en 1999, à Berlin, la ville de tous les possibles. La clé de leur réussite ? Un concept unique en son genre… puisqu’il en mélange deux : l’hostel, sorte d’auberge de jeunesse à la sauce anglaise, et l’hôtel. » Nous prenons le meilleur de l’un comme de l’autre, explique Nizar Rokbani, l’un des trois partenaires. L’atmosphère et les prix cassés de l’hostel, couplés avec la localisation exceptionnelle, la qualité et le service de l’hôtel. » Leur devise ? Recréer » the urban traveller’s home « . C’est-à-dire le pied- à-terre de tous ceux qui sont de passage en ville. Une ouverture affichée qui plaît résolument aux jeunes, en quête d’émotions urbaines le temps d’un city trip, mais aussi aux hommes d’affaires décontractés, lassés de la classe business guindée. Sans oublier les familles et les groupes scolaires, en excursion. Un secteur non négligeable, surtout depuis que l’anglais Holidaybreak a acquis 50 % des parts de Meininger, en novembre 2010, via sa filiale PGL Voyage Limited, le leader britannique du voyage scolaire. » Nous réfutons l’argument qui stipule que la limitation du public cible est la clé de la réussite « , rétorque Nizar Rokbani.
Un parti pris qui paie. Crise ou pas crise, » en douze années d’existence, nous avons doublé notre chiffre d’affaires tous les deux ans « , glisse ce dernier. Soit 14,9 millions d’euros en 2008, 18,5 millions l’année suivante et… 36,4 millions en 2010. De quoi offrir aux trois compères les moyens de voir toujours plus grand. En s’offrant une ancienne brasserie, par exemple.
Meininger mise tout sur le canal
» Nous avions Bruxelles en tête depuis longtemps, mais les prix de l’immobilier nous en ont toujours dissuadés, sourit Nizar Rokbani. Nous attendions l’opportunité de réaliser ce projet. » Laquelle se concrétise lorsque le groupe a vent de la remise sur le marché du site de l’ancienne brasserie Belle-Vue (1913), sur les bords du canal, à Molenbeek-Saint-Jean. Le géant brassicole AB InBev s’en est défait deux ans et demi plus tôt, et son nouveau propriétaire, Jean-Paul Pütz (développeur Nelson-Canal), est bien décidé à lui rendre une nouvelle jeunesse. Soutenu dans son projet par ses partenaires financiers, Christophe d’Ansembourg et Nicolas de Bellefroid, ce dernier remue ciel et terre. Et entre finalement en contact avec le trio berlinois. Ni une, ni deux, le contrat d’exploitation est signé, et les deux parties, enchantées.
» Comme pour les autres capitales où sont implantés nos hôtels, nous misons sur un tournant démographique, souligne Nizar Rokbani. D’ici à quelques années, nous sommes convaincus que Molenbeek deviendra un quartier branché. D’ailleurs, de plus en plus de personnes quittent le centre de Bruxelles pour y habiter. Le potentiel est énorme. » Et Jean-Paul Pütz d’abonder en ce sens : » Dans toutes les villes du monde, les gens se regroupent autour de l’eau. C’est là que les choses se passent. Je n’ai d’ailleurs jamais compris pourquoi les Bruxellois faisaient exception à la règle, ne jurant que par le haut de la ville. » Une tendance que le Belge et les trois Allemands ont la ferme intention d’inverser. » D’ici, on est à moins de dix minutes à pied du centre-ville, reprend le propriétaire des lieux. Il y a une station de tram à deux pas et nous allons demander la mise en place d’une borne Villo. C’est l’idéal pour les futurs clients de l’hôtel ! Sans compter le tissu commercial qui ne manquera pas de se former aux alentours. De l’horeca, des boutiques de vêtements… Les habitants de Molenbeek ne demandent pas mieux. «
Si le quartier se prête volontiers au jeu, l’immense bâtisse justifie à elle seule les efforts dont elle est l’objet. Le groupe Meininger, habitué à réinvestir d’anciens immeubles de bureaux et autres buildings réaffectés, reconnaît en effet avoir mis la main sur la perle rare. » L’ancienne brasserie Belle-Vue sera notre nouveau flagship hotel, c’est certain, acquiesce Nizar Rokbani. Son architecture, chargée d’histoire, est un élément essentiel à nos yeux. Nous soutenons la rénovation et la restauration du site, en cours, afin de mettre en valeur le charme et le caractère industriel de l’édifice. » Un exercice auquel semble prendre goût la chaîne hôtelière. En août dernier, elle a inauguré un hôtel installé dans la maison du scientifique Alexander von Humboldt, à Berlin.
150 chambres et jusqu’à 900 lits !
» L’architecture industrielle de la brasserie nous permet d’imaginer un concept de chambres tout à fait différent « , poursuit Nizar Rokbani. Ce qui n’est pas peu dire, puisque le succès de Meininger repose sur la convertibilité de celles-ci, passant de deux à quatre et parfois six lits. Un réel casse-tête pour les architectes, à qui la forêt de colonnes qui traverse l’ensemble des étages de l’édifice n’a pas facilité la tâche. » Il a fallu multiplier les calculs minutieux lors de la répartition des chambres, qui slaloment littéralement entre les pilastres « , intervient l’architecte Cédric De Lauw (A2M). Néanmoins, s’il est vrai que changer l’affectation d’un bâtiment n’est jamais simple, les grands plateaux de l’entreprise brassicole se sont révélés plutôt accommodants. » Pas de murs de séparation, pas d’escaliers au milieu. Une feuille blanche, en quelque sorte « , ajoute-t-il. De quoi caser sans trop de difficultés » une large galerie à l’entrée, qui s’élève sur deux étages, ainsi que différentes zones communes : un espace de récréation, un immense bar, une cuisine pour nos clients, plusieurs salles de réunion, etc. « , énumère Nizar Rokbani.
Par ailleurs, le site sera ouvert sur son quartier, via la démolition des appartements du brasseur, » un ajout des années 1940, sans intérêt « , commente Cédric De Lauw. Et ce, de façon à créer une vaste esplanade, gage d’une vue sur le canal. Laquelle sera flanquée, de part et d’autre, d’une tour de logements destinés à la vente (rez + 7) et d’une salle polyvalente. Un projet multifonction, en somme. Faut-il préciser que l’ensemble sera » eco-friendly » ? A ce titre, il sera épinglé parmi les » Bâtiments exemplaires » bruxellois, en tant que première rénovation quasi passive en hôtellerie. A découvrir absolument, en mai 2013.
FRÉDÉRIQUE MASQUELIER