Un  » électrochoc fiscal  » à 100 000 emplois ?

Ettore Rizza
Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

 » Nous pourrons tabler sur la création de 100 000 emplois. A condition de mettre en oeuvre […] une réforme fiscale de 5 milliards.  » Charles Michel, président du MR, Le Soir du 26 août.

On a beaucoup commenté le discours extatique de Rudy Demotte lors des Fêtes de Wallonie, dans lequel le ministre-président socialiste entrevoyait le  » plein emploi  » au sud du pays en 2025. Nos confrères de la RTBF ayant déjà passé au crible les affirmations et prophéties du premier wallon (1), penchons-nous sur les réactions qu’elles ont suscitées. Notamment celle de Willy Borsus. Samedi dernier, sur lalibre.be, le chef de groupe MR régional s’est indigné de cette  » euphorie décalée  » :  » Cela a un côté choquant ! L’emploi est une priorité à ne pas galvauder.  »

Question : le Mouvement réformateur fait-il toujours preuve lui-même d’une extrême rigueur lorsqu’il aborde le sujet ? Depuis un mois, son président, Charles Michel, prône un  » électrochoc fiscal  » censécréer 100 000 postes de travail. Principales recettes : diminution progressive de l’impôt des sociétés de 33,9 % à 23 % et réduction pour les PME (50 000 emplois escomptés) ; pour les particuliers, augmentation des quotités exemptées, suppression des taux de 30 % et 40 % et refonte des droits de succession et de donation (50 000 emplois au total). Le tout coûterait à l’Etat 5,03 milliards d’euros, ramenés à 1,56 milliard net compte tenu des retours économiques espérés. Voilà du moins les calculs du Centre Jean Gol, le bureau d’études du parti.

SUSPECT Cinq milliards, 100 000 emplois. Il faut se méfier des chiffres trop ronds. En Belgique, seul le Bureau fédéral du Plan possède l’expertise et surtout les outils nécessaires pour établir ce type de simulation. Son modèle économétrique Hermès est capable de traiter quelque 8 000 équations et 10 000 variables ! Aucun parti politique ne saurait rivaliser avec lui.

Si le Bureau du Plan ne s’est pas penché sur la note du MR, l’un de ses experts avait étudié en 2001 les répercussions de la dernière grande réforme fiscale, celle menée par l’ex-ministre des Finances libéral Didier Reynders sous le gouvernement arc-en-ciel (2). Pour un coût de 195 milliards de francs belges (4,76 milliards d’euros), le nombre de créations d’emplois était estimé à 24 000 unités en six ans. C’est un peu moins que ce que prévoit le MR pour la partie de sa proposition concernant l’impôt des personnes physiques. Mais la Belgique était alors en période de forte croissance (3,7 %), alors que les prévisions pour 2014 dépassent à peine 1 %.

En 2009, le Plan a également examiné l’impact d’une hausse des taxes sur l’énergie couplée à une diminution d’autres contributions directes (3). L’hypothèse extrême (alignement sur les prix du Danemark) prévoyait 8,6 milliards d’euros de rentrées en 2012. Utilisée pour réduire les cotisations patronales, cette manne aurait pu entraîner la création de 42 000 emplois à l’horizon 2020, selon le Plan. Pour atteindre les 100 000, il eût fallu que cette baisse de cotisations cible les bas salaires. Mais dans le cas d’une réduction conjointe de l’IPP et de l’Isoc, ce qui correspond à la proposition du MR, le résultat sur l’activité aurait été de… 12 900 pertes d’emplois – compte tenu des charges énergétiques supplémentaires sur les entreprises.

Au Centre Jean Gol, on assure que cette note a fait l’objet d’une étude sérieuse basée sur des modèles économiques éprouvés et qu’elle a été validée par un panel d’experts. Il serait toutefois intéressant que le Bureau du Plan les examine de près.

(1) goo.gl/kPtA2n – (2) goo.gl/kNkpD3 – (3) goo.gl/N5rXvJ

Ettore Rizza

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire