Un doublé pour Pina Bausch

Café Müller et Le Sacre du printemps : deux pièces mythiques signées Pina Bausch. Entre solitude essoufflée et guerre des sexes, deux coups de génie qui n’ont pas vieilli, malgré leurs 30 ans d’âge !

Une danse dans laquelle ce qui importe n’est pas tant le mouvement en tant que tel, mais le sens qu’il renferme, le souffle qu’il expire. Simplicité et sincérité. Des caractéristiques fondamentales du travail de Pina Bausch, initiatrice dans les années 1970 d’un nouveau genre chorégraphique : le  » Tanztheater « . Dans son parcours artistique peu commun, Le Sacre du printemps (1975) et Café Müller (1978) font office d’£uvres charnières vers ce danse-théâtre aujourd’hui si répandu dans le monde, à commencer par la Flandre. Deux pièces à (re)voir au Cirque royal, à Bruxelles, pour deux moments extraordinairement puissants. Deux coups de poing, par la cohérence et la cohésion de l’énergie qui les habitent. Deux coups de génie, aussi, par leur bluffante atemporalité !

Pièce pour 6 interprètes (dont Pina Bausch, toujours en scène du haut de ses presque 66 ans !) et une soixantaine de chaises, Café Müller ouvrira la soirée sur une couleur particulièrement intime et sombre. Poids de la vie, poids du temps, échec de l’amour. Des thématiques récurrentes chez Bausch, ici plongées dans de tristes mélanco-mélodies de Henry Purcell, installées dans un café hors du temps où errent des hommes, fantômes de leurs propres émotions. Six solitudes essoufflées, secouées par de brefs accès de rage désespérée ou de quelques lumineux moments de couleurs et d’oxygène. Un petit bijou  » fait en quinze jours à peine « , précise Dominique Mercy, fidèle interprète de Pina Bausch depuis ses débuts, en 1973. Petit bijou aussi parce que  » ce n’est pas du jeu, c’est sincère et nécessaire : c’est notre vie qui est sur scène. Nous ne sommes pas là seulement pour lever une jambe ou un bras, mais pour dire quelque chose « , ajoute avec force Malou Airaudo, elle aussi compagne des premières heures.

Quant au Sacre, relecture d’une pièce tout aussi mythique signée Stravinsky-Nijinsky, il s’annonce d’autant plus puissant qu’il sera accompagné en direct par l’Orchestre de la Monnaie ! Une critique du patriarcat et de la femme-objet. Une pièce débordante d’animalité et de sensualité, aux unissons fulgurants (32 danseurs sur scène), le tout  » pétri  » de tourbe lourde et épaisse. Une danse de l’extirpation teintée, çà et là, d’une gestuelle années 1930, pour un cérémonial au crescendo hautement magnétique !

Le génie de Pina Bausch ?  » L’intuition, l’amour, l’engagement et l’honnêteté « , confie Malou Airaudo, avant que Dominique Mercy ne conclue :  » Elle n’a jamais pris son succès pour acquis et cela, c’est extraordinaire.  »

Café Müller + Le Sacre du printemps. Du 23 au 26 février, au Cirque royal, à Bruxelles. Tél. : 070 23 39 39 ; www.lamonnaie.be.

Olivier Hespel

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