Un collège pour futurs eurocrates

Près de Varsovie, une centaine d’étudiants venus de toute l’Europe se préparent à administrer l’Union de demain

Sur la pelouse, une vingtaine d’étudiants s’affairent autour d’un arbuste qu’ils décorent de banderoles rouges, blanches et bleues. Ce soir, le Collège d’Europe de Natolin, à une dizaine de kilomètres de Varsovie, célébrera la fête nationale de la Slovaquie, autour d’un dîner typique. A l’initiative des deux étudiantes slovaques du campus, dont l’une a, pour l’occasion, sorti de sa valise son costume traditionnel.  » C’est la coutume ici, explique le recteur, Piotr Nowina-Konopka. Les étudiants convient leurs camarades à fêter avec eux leur fête nationale.  »

Fondé en 1992 sur un domaine acquis en 1730 par le roi de Pologne Auguste II le Fort, le collège de Natolin est une antenne de celui de Bruges. Il a notamment été créé pour former, dans la perspective de l’élargissement de l’Union européenne, des eurocrates originaires des pays d’Europe centrale et orientale. Mais il accueille des étudiants de toutes les nationalités. La moitié vient des Etats déjà membres de l’Union européenne, l’autre, principalement des pays qui ont vocation à en faire partie. Le brassage est voulu.  » Au-delà du programme d’études, souligne le recteur, il s’agit aussi de construire une mentalité européenne. Ici, les étudiants réalisent que leurs différences n’ont pas d’importance. Ils se sentent européens.  » Ils sont une petite centaine et 28 nationalités sont représentées. Il y a même un Américain, passionné par l’histoire de l’Europe, qui rêverait, s’il le pouvait, de devenir eurocrate ! A défaut, il choisira entre le Département d’Etat et l’une des nombreuses sociétés qui, à Bruxelles, se sont spécialisées dans le lobbying.

Les étudiants suivent une année d’études après leur maîtrise. Ils sont choisis sur dossier et après un entretien de motivation, à la condition de parler anglais et français, les deux langues d’enseignement. Autre condition à remplir, parfois la plus difficile : trouver une bourse, pour financer des études qui coûtent 15 000 euros. La plupart d’entre eux bénéficient de bourses attribuées par leur gouvernement. Mais tous les futurs Etats membres n’ont pas encore compris l’intérêt qu’ils avaient à disposer de jeunes formés à l’Europe. Pour les Slovaques, par exemple, comme pour les Ukrainiens ou les Biélorusses, décrocher une bourse relève du parcours du combattant.

Un cadre somptueux, en pleine nature û le cinéaste Andrzej Wajda avait tourné une chasse à l’ours dans le parc du domaine il y a quelques années û des chambres confortables, toutes équipées de l’intranet et de la télévision par câble, des professeurs triés sur le volet : tout est fait pour faciliter des études surtout consacrées au droit européen, aux institutions de l’Union et aux mécanismes des politiques communes. 23 % des anciens de Natolin travaillent aujourd’hui dans les institutions européennes et 17 % suivent les dossiers européens dans les administrations nationales. Avec l’élargissement de l’Union, l’offre devrait gonfler : d’ici à 2010, quelque 6 000 jeunes, originaires des pays d’Europe centrale et orientale, seront embauchés par les institutions européennes, dont une moitié de Polonais. Tandis que les administrations de ces pays demanderont de plus en plus à leurs propres fonctionnaires de maîtriser les rouages de l’Europe. Ne serait-ce que pour pouvoir recevoir et gérer les fonds européens.

Sur la pelouse, près de l’arbre décoré, une étudiante française poursuit avec ses deux camarades allemands une conversation animée. A côté d’eux, la jeune Slovaque en costume national voudrait s’occuper de l’Europe chez elle, à Bratislava. Sa camarade se verrait bien à Bruxelles. Tandis qu’une jeune Polonaise, qui a fait Sciences po à Paris, rêve d’une Europe encore plus orientale et projette, son diplôme en poche, de s’intéresser à la Biélorussie et à l’Ukraine. Quant à cette Italienne qui a  » fait son Erasmus  » en France û un semestre dans une université française dans le cadre de son cursus û elle songe à poursuivre, à Londres, des études sur le monde méditerranéen.

Ils sont ainsi plusieurs à avoir déjà étudié dans un autre pays que le leur. Le recteur, qui sélectionne chaque année ses futurs élèves, est un enthousiaste des programmes d’échanges européens :  » Les jeunes qui ont passé un semestre à l’étranger sont plus ouverts et plus tolérants. Cela change leur approche. C’est comme cela qu’on fera l’unité européenne. Et c’est là que doit aller l’argent de l’Europe.  »

De notre envoyée spéciale

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