Trois millions de fainéants en Belgique ?

Ettore Rizza
Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

 » Nous constatons que sur 11 millions de Belges, 6,1 millions sont en âge de travailler. Et que 3,1 millions travaillent. (…) Il n’y a tout simplement plus d’envie de travailler. Parce qu’on peut s’en passer  » (Jan De Nul, entrepreneur flamand).

Lors de la remise du prix  » HR Manager de l’année « , décerné par nos collègues du magazine Trends, l’entrepreneur alostois Jan De Nul a vivement critiqué le monde politique belge et ceux qui  » chérissent le droit à la paresse « .

En verve, le patron du groupe de dragage et de travaux maritimes qui porte son nom s’en est pris tour à tour au nombre de fonctionnaires, aux dépenses publiques, au système des prépensions, aux chômeurs… Avec cette conclusion implacable :  » 3,1 millions de personnes doivent entretenir 8 millions d’autres personnes.  »

FAUX Jan De Nul affirme tenir ses chiffres de la Banque nationale de Belgique. Pourtant, ceux qu’il cite ne figurent nulle part dans les statistiques officielles. Selon la BNB, la Belgique comptait en 2012 près de 7,3 millions de personnes  » en âge de travailler « , c’est-à-dire les 15-64 ans. Parmi ces derniers, 4,6 millions possédaient un emploi, y compris les indépendants et les fonctionnaires (63,8 %).

Que faisaient les 2,6 millions restants ? Quelque 646 000 gonflaient les rangs des chômeurs indemnisés, selon les chiffres de l’Onem, dont 445 000 après un emploi à temps plein, à temps partiel ou au terme de leurs études. On compte également, parmi les indemnisés, les prépensionnés ou encore les travailleurs en pause carrière et crédit-temps.

Les invalides et les pensionnés anticipés représentaient à eux deux plus de 500 000 autres non actifs. Reste environ 1,6 million de 15-64 ans qui n’ont jamais travaillé, n’étaient pas au chômage… et ne percevaient le plus souvent rien, pas même le revenu d’intégration. Comme le souligne sur son site Web le sociologue flamand Jan Hertogen, cette catégorie inclut 1,4 million de personnes privées d’allocations, à savoir des élèves, la plupart des étudiants et, notamment, les femmes au foyer qui n’ont jamais travaillé et n’ont pas droit au chômage.

Jan De Nul a commis au moins une autre erreur dans son discours, déjà relevée par la VRT dans son émission De Zevende Dag :  » La contribution des pouvoirs publics au PNB s’élève à 53 %, c’est là qu’on voit vraiment la productivité de nos fonctionnaires : 1,3 million de fonctionnaires génèrent 53 % du PNB, 3,1 millions de citoyens génèrent 47 %. Le fonctionnaire est donc 2,7 fois plus productif. « 

Outre l’erreur de chiffres signalée plus haut (la Belgique compte 4,6 millions de travailleurs, et non 3,1 millions), Jan De Nul commet une double faute logique : 1° il distingue les fonctionnaires des travailleurs, alors que les premiers sont englobés dans les seconds ; 2° il confond le produit national brut créé par les diverses autorités publiques et celui propre aux fonctionnaires. Or les dépenses de l’Etat ne servent pas exclusivement à rémunérer ses travailleurs.

Sources :

Discours de Jan De Nul, site Web de Jan Hertogen (www.npdata.be),  » Fact checking  » de la VRT, chiffres de la BNB, population belge selon l’âge, statistiques de l’Onem.

Ettore Rizza

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