Trains et bus sur le quai n°1

Une seule gare pour tous les transports en commun. C’est le projet que compte mener la SNCB-Holding, en collaboration avec les TEC et la Ville. Santiago Calatrava aménagera une gare-passerelle, reliant les Grands Prés au cour historique. Et les alentours seront réaménagés.

Une fois débarqué sur les quais montois, c’est la première image de la ville : la place Léopold, sa gare des bus et ses façades délabrées. Dans ce quartier, la cité du Doudou ne se montre pas sous son meilleur jour, mais les autorités sont bien décidées à changer son image. Le cap, une fois encore : 2015, année capitale et culturelle qui devrait attirer des milliers de visiteurs. Alors, autant valoriser cet endroit stratégique par un geste architectural fort…

Justement, la SNCB-Holding termine son plan de rénovation des grandes gares. Et c’est au tour de Mons. Pour la capitale hennuyère, la société met à nouveau le (petit) paquet : une nouvelle gare, signée Santiago Calatrava, va remplacer le bâtiment actuel, construit dans l’après-guerre. Un vaste dragon de béton blanc, couvrant les voies, reliera la place Léopold au quartier construit à l’arrière du site, les Grands Prés.  » On attend cette passerelle depuis trente ans, trépigne Elio Di Rupo, bourgmestre (PS). Le chemin de fer est un service commun incontournable – c’est le cas de le dire -, mais c’est une balafre au milieu de Mons. Cette gare va permettre de connecter un nouveau quartier au c£ur historique, et donc d’agrandir la ville. « 

Et c’est bien le souci de la SNCB-Holding :  » Aujourd’hui, nos gares sont translatives, martèle, comme sur le seuil de la gare TGV liégeoise, Vincent Bourlard, directeur général  » Stations  » de la SNCB-Holding et administrateur délégué d’Euro Liège TGV. Autrement dit, accessibles depuis plusieurs quartiers de la ville, par l’avant et l’arrière. C’est une priorité, tout comme l’intermodalité avec les autres moyens de transport. Le vrai geste écologique, c’est de faire une gare fonctionnelle et de qualité architecturale pour inciter homo mobilus à prendre le train plutôt que la voiture. C’est ça, le développement durable.  »

Une gare intermodale

Pour concrétiser cette philosophie, circulations des bus et des voitures seront donc intégrées au projet. Un parking souterrain de plusieurs centaines de places pourrait être aménagé sous la gare, accessible par le tunnel passant sous la place Léopold. Idée plus ambitieuse encore pour les transports en commun : un des cinq quais de la gare, côté ville, leur serait dédié, ainsi qu’aux taxis et au  » dépose-minute « .  » Ce serait extraordinaire et une première pour nous, s’enthousiasme Vincent Bourlard. Le premier quai servira aux transports en commun d’un côté, aux trains de l’autre. La gare ne sera plus ferroviaire, mais multimodale. Et si, un jour, Mons a de nouveau un tram, on pourra intégrer les rails aux voies dédiées aux bus. « 

L’ensemble du projet en est toujours à l’étude. Mais du côté du TEC, la solution est jugée idéale.  » L’actuelle gare des bus s’implante sur la place Léopold, juste devant la gare, assure Jean-Marc Vandenbroecke, administrateur général du groupe TEC. Si on refait la gare SNCB et les alentours, il faut l’intégrer quelque part. Ce projet de gare intermodale est le plus bel exemple qu’on puisse imaginer. Il permet de maintenir une unité architecturale et urbanistique.  » Reste toutefois, au-delà du v£u pieux, à finaliser la convention entre le TEC et la SNCB-Holding.

Dans le cadre de son plan de relance, la Région wallonne a marqué un accord de principe pour financer les aménagements dédiés aux transports en commun pour environ 30 millions d’euros. Un budget qui devrait gonfler l’enveloppe de 110 millions d’euros, évaluée par la société de chemins de fer pour reconstruire la gare.  » Calatrava a gagné le concours, ajoute Vincent Bourlard. Il doit habiller notre schéma ferroviaire, qu’on va commencer à étudier plus finement. C’est un énorme travail. Mais on le fait pour une centaine d’années, j’espère. « 

140 millions d’euros pour un bâtiment déjà qualifié de mégalo

Si tous s’accordent sur le besoin de revitaliser le quartier, la manière ne fait pas l’unanimité dans les rangs de l’opposition.  » C’est un bâtiment de prestige, annonce Jean-Pierre Viseur, conseiller communal Ecolo. C’est complètement mégalo ! La gare actuelle n’est pas un chancre. On aurait pu mettre le paquet pour la restaurer.  » Au CDH, Savine Moucheron embraie :  » Les montants annoncés sont extravagants ! Et il faudrait que ce soit fini pour 2015 ? Quand on voit le temps qu’il a fallu pour construire la gare de Liège, on peut sérieusement en douter.  » D’autant que la circulation des trains doit, ici aussi, être maintenue pendant les travaux.

C’est un fait : la gare des Guillemins, récemment inaugurée, a mis bien plus de temps que prévu pour sortir de terre. Et c’est la même équipe qui est aux commandes.  » Il faut toujours être prudent avec les délais, se défend Vincent Bourlard. Mon objectif, c’est d’inaugurer la gare de Mons fin 2014. Je sais que la Ville y tient et je m’inscris dans cette dynamique. »

Autre problème à Liège : la gare s’implantait au milieu d’un no man’s land. La réflexion sur l’aménagement des alentours n’a pas été menée de concert avec l’évolution du projet. Un écueil dommageable que compte bien éviter Mons :  » C’est une gare à l’échelle de la ville, soutient Elio Di Rupo. Ici, on n’exproprie personne. L’évolution du projet, c’est le fruit d’une réflexion à laquelle nous avons participé de longue date. Il y aura bien des grincheux, je ne me fais pas d’illusions. La tour Eiffel, non plus, n’a pas fait l’unanimité. Mais un peu d’audace et de grandeur est nécessaire pour se projeter dans l’histoire. Et de toute façon, il nous faut une gare…  »

Pour mettre le bijou dans un écrin digne de sa valeur, les autorités s’attelleront à réhabiliter la place et les voies pénétrantes.  » Tout le monde mesure l’intérêt du projet, insiste Nicolas Martin, le nouvel échevin de l’Urbanisme (PS). La gare est un point faible de la ville, sa rénovation est très attendue. Le bâti du quartier est intéressant, de qualité. On travaille avec les propriétaires privés pour revaloriser les façades, on a obtenu des subsides des fonds européens pour cela. « 

Mais pour l’opposition, une inquiétude persiste : le manque de concertation avec les riverains.  » On a insisté pour qu’un comité de riverains soit mis en place, mais toujours rien, soutient Savine Moucheron. C’est important, pourtant, de réunir les riverains pour voir comment concilier leur vie et le chantier. « 

 » On ne veut pas, comme à Liège, une gare qui pose problème aux habitants, ajoute Jean-Pierre Viseur. On veut une concertation maximale avec les personnes à mobilité réduite, les cyclistes, les riverains, les commerçants. A ce stade, toujours rien. « 

Classée au cinquième rang wallon en termes de fréquentation, l’actuelle gare de Mons accueille chaque jour plus de 10 000 voyageurs. Le bâtiment de Calatrava et ses environs devraient avoir des arguments pour convaincre davantage de personnes d’opter pour le rail. Mais quand ?

A.-C.D.B.

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