Toutes ces femmes

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Penélope Cruz incarne avec bonheur la mère au bord de la crise de nerfs, dans le choral et féminin Volver de Pedro Almodovar, un des films événements du Festival de Cannes

De notre envoyé spécial au Festival de Cannes

Dans Volver, tout comme dans Femmes au bord de la crise de nerfs, les filles d’Eve tiennent exclusivement la vedette. Mais à la drôlerie bien présente s’ajoutent dans ce film des éléments de mélodrame émouvant, de secrets criminels et d’éléments surnaturels aussi, qui viennent épicer joliment le nouvel opus d’Almodovar. Trois générations de femmes y sont observées, d’un regard à la fois complice et admiratif, par le réalisateur de Tout sur ma mère. Et, comme dans ce dernier film, Penélope Cruz est de la partie. Non, pas en nonne, cette fois, mais en mère de famille multipliant les petits boulots pour assurer, seule, un certain confort à son mari chômeur et à sa fille adolescente. La mort brutale du premier, trucidé en état de légitime défense par la seconde qu’il menaçait de viol, va obliger Raimunda à quitter les rails de la routine quotidienne pour gagner des chemins de traverse où il sera question de décès récents mais aussi plus anciens, de la disparition mystérieuse de ses propres parents, et d’un  » fantôme  » maternel tourmenté par de douloureux secrets…

Sans atteindre les sommets fréquentés par presque tous ses films depuis En chair et en os, son chef-d’£uvre de 1997, le nouvel Almodovar affiche un beau mélange de tragique et de comique, faisant affleurer sous une surface riche en action une émotion de plus en plus palpable à mesure que l’on se dirige vers de spectaculaires révélations finales. Dans le rôle central de Raimunda, mère courage à la madrilène, Penélope Cruz signe une fort belle prestation, la plus riche sans doute qu’il lui ait été donné de produire depuis Ouvre les yeux, d’Amenabar, voici une petite dizaine d’années.

Anna Magnani

 » Je pense chaque jour à la mort, explique l’actrice espagnole, mais pas sur un mode négatif, parce que notre mortalité nous permet de vivre plus intensément, parce que, aussi, je crois en la réincarnation. Pedro, lui, n’y croit pas, et je n’essaie pas de le convaincre, mais j’ai puisé dans cette conviction qui est mienne des éléments pour jouer Raimunda.  » En jouant le personnage imaginé par Almodovar, Penélope Cruz a aussi  » découvert, de l’intérieur, certaines choses sur la nature humaine qui m’étaient inconnues jusqu’ici, des choses liées, notamment, à l’expérience cruelle de la souffrance infligée par des proches et des lourds secrets qui peuvent miner une vie de famille « .  » La douleur que j’ai pu ressentir durant le tournage était telle, certains jours, que j’en avais des brûlures d’estomac, des envies de vomir sur le plateau, poursuit la comédienne, mais j’avais heureusement la protection de Pedro. Il était toujours proche et, dans les moments les plus difficiles, je l’entendais respirer au même rythme que moi, une façon à lui de dire :  » Sois tranquille, je suis avec toi « , qui me calmait toujours et me permettait de terminer chaque prise…  »

Dans Volver, le principal défi pour Penélope Cruz aura sans doute été de donner une incarnation de la maternité, elle qui n’a pas encore eu d’enfant et dont le physique gracile ne semblait pas posséder certaines caractéristiques jugées essentielles par son metteur en scène.  » Quand Pedro m’a annoncé qu’il avait l’intention de me faire porter un derrière postiche, j’ai été drôlement surprise, se souvient l’actrice, mais il m’a fait comprendre très vite que c’était nécessaire. Lorsqu’on m’a mis la prothèse spécialement fabriquée pour le film, j’ai senti, physiquement, la proximité de Raimunda. Moi qui ai fait depuis l’enfance de la danse classique, j’exprime les choses à partir du cou tendu, de la nuque élancée. Avec le derrière, les hanches, qu’on m’avait ajoutés, mon centre descendait vers le bassin, là où est celui du personnage.  » Un artifice précieux, pour répondre à cette autre et formidable figure maternelle jouée par Anna Magnani dans Bellissima, et à laquelle Almodovar rend un hommage direct dans son film.

Louis Danvers

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