Tintin-le-héros

Dans la longue histoire des faits, grands et petits, autour de Tintin, les curieux vont de découverte en découverte. Cette fois, nous vous invitons à retrouver la trace d’un véritable héros, qui fut Tintin pendant un jour, mais dont le souvenir traverse les années.

C’était le 7 juillet 1931à

Les visiteurs du Musée Hergé, à Louvain-la-Neuve ont l’occasion d’admirer une photo géante représentant la  » joyeuse entrée  » de Tintin à Bruxelles, retour de son aventure congolaise (on ne vous dira pas où se trouve cet instantané : nous vous laissons le plaisir de la découverte !). Cela se passait le 7 juillet 1931 – c’était aussi un jeudi après-midi, qui libérait des écoliers de leurs obligations scolaires (en ce temps-là, les grandes vacances débutaient le 15 juillet). Estimée à quelque trois mille personnes, une foule enthousiaste escorta Tintin, Milou et quelques Congolais depuis la gare du Nord jusqu’aux bureaux du quotidien Le Vingtième Siècle, au boulevard Bischoffsheim.Tintin apparut au balcon, en compagnie des responsables du journal et d’Hergé, rédacteur en chef du Petit Vingtième. Le  » Tintin  » du jour est un jeune scout de 14 ans (il était né le 9 octobre 1906), Henri Dendoncker.

Coup de pub ?

Ce n’était pas la première fois qu’une telle réception publique avait lieu : le 8 mai 1930, Bruxelles s’était enflammée pour l’apparition de Tintin, à sa descente d’un train venu en droite ligne du pays des Soviets, via Berlin. Lucien Pepermans, scout lui aussi, portait le vêtement typique des moujiks (paysans russes). La même scène se reproduira, le 13 novembre 1932, après Tintin en Amérique – un troisième  » Tintin  » sera choisi : René Boey. Et, après Le Lotus bleu, Charles Stie sera le dernier  » Tintin  » (octobre 1935).

Coups de pub ? Sans doute. Mais, en 1931, il se passe autre chose. Jusqu’alors, Hergé n’est pas encore décidé à se consacrer exclusivement à la bande dessinée : ses talents de graphiste, d’illustrateur et de concepteur publicitaire ne lui valent que des éloges età le rémunèrent mieux que la BD ! Face à l’engouement des jeunes pour Tintin, le jeune dessinateur (il n’a que 24 ans) envisage une carrière à plein temps dans le récit en images.

Une décision capitale

Quand Hergé se choisissait un but, il faisait tout pour l’atteindre. Auteur de BD ? Très bien. Mais à fond, alors ! Dorénavant, les aventures de Tintin se bâtiront, non plus à la petite semaine, mais à partir d’un synopsis, puis d’un scénario très fouillé. Les Cigares du pharaon en sont le premier exemple. C’est un autre scénario, celui d’une vie, qui retient notre attention dans ce journal.  » Tintin-Dendoncker « , élève et scout, mènera à bien ses études, mais sera surpris par l’invasion de la Belgique par les Allemands, le 10 mai 1940.

A 23 ans, Henri n’hésite pas une seconde : il embarque pour l’Angleterre. Et c’est là que commence son extraordinaire aventure.

La fabuleuse aventure d’Henri

Actif, courageux, démocrate dans l’âme, Henri Dendoncker piaffe d’impatience. A Londres, il interviendra dans les missions de sauvetage de victimes des bombardements par la Luftwaffe (l’aviation militaire allemande). Son audace et ses qualités de c£ur lui valent d’être remarqué par l’Intelligence Service, les services secrets de renseignement britanniques. Très vite, les moniteurs de l’I.S. constatent qu’Henri n’a pas froid aux yeux. Il sera désigné pour des missions ultrasecrètes et dangereuses sur le continent européen. Lesquelles ? C’est là que l’affaire se corseà

Un épais mystèreà

La formation d’agent secret prit au moins deux ans. Après quoi, Henri Dendoncker fut renvoyé en Belgique pour y accomplir des missions de liaison avec les réseaux de résistance. Et sans doute, des activités encore plus dangereuses.

La preuve ? Lorsque l’on visite le site des National Archives (archives nationales anglaises), on a la surprise de constater que le dossier d’Henri Dendoncker a été  » classifié  » (c’est-à-dire, mis au secret) pour 70 ans, à compter à partir de la Libération, en 1945 !

Quelles étaient ces missions ?  » Secret  » ! D’après une lettre, envoyée en 1953 à Hergé par la s£ur d’Henri Dendoncker, il est avéré que le jeune agent secret vint en Belgique, dès 1943, se cacha dans sa famille, mais fut dénoncé et arrêté par les nazis, en 1944.

Interrogé, torturé, il ne parla pas. Ce qui lui valut d’être envoyé au camp de concentration à Buchenwald.

Un certain Henri Dark

Grâce à sa force de caractère, Henri survécut à cette dramatique épreuve. Il retourna en Angleterre, où il se maria et obtint la nationalité britannique. Il changea son nom  » Henri Dendoncker  » ( » le sombre « , en flamand) en  » Henri Dark  » (sombre, en anglais).

Ses mérites et hauts faits d’armes furent récompensés par une médaille, accordée par S.M. la Reine d’Angleterre.

Comme tous les vrais héros, Henri Dark est resté très discret sur son passé. Il a vécu à Croydon, la ville même où les Français Maurice Druon et Joseph Kessel écrivirent les paroles du Chant des Partisans, pendant la Seconde Guerre mondiale.

par A. de Kuyssche

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