The Fab (classical) Four

Saskia de Ville Journaliste

Génial, anticonformiste, le Quatuor Ebène sera bientôt de passage à Bruxelles avec, dans ses valises, un nouvel album 100 % Schubert. L’occasion de (re)découvrir le parcours de cet ensemble pas si classique…

Raphaël (Merlin), Pierre (Colombet), Gabriel (Le Magadure) et Adrien (Boisseau). Ils sont quatre, ils sont jeunes et ils portent le costard aussi bien que le jean et le sweatshirt zippé. Cette cool attitude est-elle le reflet de la paix intérieure qui illumine ceux dont les choix artistiques osés sont sans cesse encensés par la critique ? Depuis 1999, une curiosité sans interdits emmène le Quatuor Ebène au-delà des époques et des genres. Entre Haydn, les rythmiques brésiliennes et la voix chaude de la jazzwoman Stacey Kent, les Français se plaisent à abolir les frontières musicales.

Un nouvel opus consacré à Schubert est récemment venu grossir les rangs de leur discographie impeccable et abondante.  » Ce projet était dans nos cartons depuis une dizaine d’années « , glisse Raphaël Merlin, violoncelliste de l’ensemble. Pull marin, barbe de trois jours et cheveux châtains visiblement encore attachés à l’oreiller, Raphaël raconte comment le Quintette en ut majeur op. 956,  » auquel aucun quatuor n’échappe « , a été écrit deux mois avant la mort de son auteur.  » C’est un chef-d’oeuvre à la fois incroyablement profond et extrêmement accessible.  » Cinq des 600 lieder que Schubert a composés au cours de sa vie sont également présents sur ce disque. Et si on retrouve le très talentueux et chevelu violoncelliste Gautier Capuçon derrière le cinquième archet du quintette, c’est le baryton Matthias Goerne qui enfile pour l’occasion le costume du conteur.  » Matthias, c’est l’homme qui chante comme on marche sur l’eau.  » Entre eux, la première répétition avait pourtant failli tourner au fiasco.  » On avait eu un problème de train, et l’un de nous avait aussi raté son avion : c’était une catastrophe, on avait une heure et demie de retard, et Matthias nous a accueillis de manière glaciale. Mais dès la première note, on est devenus amis à travers la musique.  »

Amener au silence

Le 17 avril, le Quatuor Ebène viendra présenter ce nouvel album à Bruxelles.  » Il y a quelque chose de particulier dans cette ville. Les gens sont plus attentifs les uns aux autres, et ça se ressent lors des concerts. Quand on y joue, on trouve à la fois cette convivialité et ce très grand respect de la musique. Et cela nous tient d’autant plus à coeur de venir à Bruxelles depuis les attentats du 22 mars « , explique Raphaël Merlin. Les quatre prendront ensuite la route de Paris, Londres, Vienne ou encore Berlin. Avant de s’atteler prochainement au cycle complet des quatuors de Beethoven, qu’il jouera au Carnegie Hall à New York à l’occasion d’un double anniversaire (à quelques mois près) : les 250 ans de la naissance du compositeur, mais aussi… les 20 ans d’Ebène. Ce sera en 2020. D’ici là, un autre disque verra le jour, avec un programme inspiré par la nuit.  » Schoenberg, Henri Dutilleux et puis des arrangements qu’on va proposer sur des thèmes de jazz.  » Sans oublier un projet  » jazz électro  » – mais là-dessus, chut ! Raphaël Merlin ne nous dira pas un mot de plus.

Nous amener au silence comme Schubert nous emmène vers l’intime, tel est le souhait du Quatuor Ebène. Que ce soit lors des concerts ou sur le nouveau disque.  » Si on est chez soi et qu’on écoute ce quintette en faisant frire des patates dans une poêle, il est fort probable qu’on en rate l’essentiel. J’encourage donc l’auditeur à trouver un moment calme pour glisser l’album dans son lecteur.  » Car quand on entre dans cette musique-là, avec ce quatuor-là, on y reste.

Schubert : String Quintet – Lieder, Quatuor Ebène, Gautier Capuçon, Matthias Goerne. Erato 2016

Le Quatuor Ebène et Matthias Goerne seront en concert le 17 avril, à 19 heures, à Bozar, à Bruxelles. www.bozar.be

Saskia de Ville

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