Tempête contre Israël

Tollé international après l’attaque meurtrière d’une flottille d’activistes propalestiniens qui faisait route, malgré le blocus, vers la bande de Gaza. Le fiasco de Tsahal se transforme en piège politique qui brouille un peu plus l’image de l’Etat hébreu.

C’était une opération de communication politique, comme le fut en son temps l’épopée de l’ Exodus. La livraison de maisons préfabriquées et de fauteuils roulants n’était qu’un prétexte. Les quelque 700 activistes propalestiniens qui avaient pris place à bord des six bateaux affrétés par des militants turcs entendaient dénoncer le blocus imposé par les Israéliens à la bande de Gaza, contrôlée depuis 2007 par les islamistes du Hamas. Même si le prix payé est exorbitant – au moins neuf morts et une quarantaine de blessés – ils ont incontestablement réussi leur coup : les Israéliens sont tombés dans le piège. Pour l’Etat hébreu, le bain de sang provoqué par les commandos de Tsahal est une catastrophe politique. D’autant que des ressortissants étrangers figuraient à bord de la  » flottille de la liberté  » : un Prix Nobel de la paix – l’Irlandaise Mairead Corrigan Maguire – des députés européens, des écrivains engagés, des journalistesà Résultat : un tollé général. L’Union européenne  » condamne l’usage de la violence  » et  » demande une enquête immédiate, complète et impartiale  » ; aux Nations unies, le Conseil de sécurité se réunit en urgence ; à Ramallah, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, pourtant peu suspect de sympathie envers le Hamas, décrète trois jours de deuil.

Comme en juillet 2006, après le bombardement de Qana, au Sud-Liban (une cinquantaine de morts, dont des enfants), ou après celui de Zeitoun, en janvier 2009, dans la bande de Gaza, les images diffusées par les chaînes de télévision du Moyen-Orient ont enflammé la rue arabe. Tandis qu’en Occident cet assaut ternit un peu plus l’image de l’Etat hébreu, déjà écornée par les allégations de crimes de guerre à propos de l’offensive de 2009 à Gaza puis, au début de l’année, par l’utilisation de faux passeports européens et australiens par des agents du Mossad chargés d’assassiner, à Dubai, un responsable du Hamas.

Israël n’avait pas vraiment besoin de cela. Selon un sondage effectué dans 28 grands pays et diffusé le 19 avril dernier par la BBC, il se range parmi les Etats dont la cote de popularité est la plus basse, juste avant l’Iran, le Pakistan et la Corée du Nord. Partout, sauf aux Etats-Unis et au Kenya, le pourcentage d’opinions négatives dépasse celui des opinions positives. A Jérusalem, nombreux sont ceux qui pensent que l’état-major aura du mal à éviter une commission d’enquête sur ce nouveau fiasco.

Pour expliquer le comportement de leur commando, les autorités israéliennes mettent en avant la détermination des activistes, qui détenaient des armes blanches ou de poing. En Israël, les rares images rapportées le soir même de l’affrontement montrent un colosse de la Shayetet 13 – les commandos de marine israéliens – roué de coup juste après avoir lâché le filin de l’hélicoptère. On distingue des passagers armés de barres de fer ou de bouts de bois. Selon l’armée israélienne, l’arsenal des mutins comprenait aussi des couteaux, des haches, des billes de fer. Des coups de feu auraient été tirés, sans que l’on sache s’ils provenaient d’une arme embarquée à bord ou bien de celle arrachée à un soldat.  » L’assaut s’est déroulé sans accroc dans cinq bateaux sur six. Le sang n’a coulé que sur un seul des bateaux, parce que les soldats ont eu peur pour leur vie et ont donc ouvert le feu « , affirme Ya’acov Amidror, un ancien général de l’Aman, les renseignements militaires israéliens.

Les soldats israéliens ont pris peur

Reste à savoir pourquoi la réaction a été, comme disent les diplomates, aussi  » disproportionnée « . Incompétence des militaires ?  » On a le sentiment que l’armée israélienne n’avait pas anticipé le niveau de résistance qu’elle a rencontré « , écrit Amos Harel, le correspondant militaire du Haaretz, le grand quotidien de centre gauche. Incapacité des politiques à gérer la guerre de l’information et de l’image ? Réunion du cabinet de sécurité, consultation tous azimuts, déclarations martiales, communiqués bravaches : les dirigeants israéliens ont espéré jusqu’à la dernière minute que les militants propalestiniens succomberaient à la pression. Que les avaries suspectes et les divisions internes à cette bizarre équipée, où voisinaient islamistes austères et gauchistes hirsutes, poussent les bateaux à faire finalement demi-tour. En vain. Et ce sont les soldats israéliens qui ont pris peur, au point d’ouvrir le feu sur ces marins de fortune.

Cette crise est surtout l’expression d’une impasse, comme, avant elle, le dynamitage du mur de Rafah, en janvier 2008 – qui avait permis à des centaines de milliers de Gazaouis, asphyxiés par le blocus, d’aller se ravitailler chez leurs voisins égyptiens – et la guerre de l’hiver 2009, dont le moteur principal était déjà le bouclage israélien. A Gaza, aujourd’hui, la population dépend à 80 % des distributions de nourriture des Nations unies pour se nourrir, et les cas d’extrême pauvreté sont passés de 100 000 à 300 000 en un an, selon l’Unrwa, l’agence de l’ONU en charge des réfugiés.

BENJAMIN BARTHE (à RAMALLAH) ET DOMINIQUE LAGARDE, AVEC JéRéMIE LANCHE

 » à gaza, les cas d’extrême pauvreté sont passés de 100 000 à300 000 en un

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