Swedish connection

A travers ses intrigues policières, Henning Mankell relie son pays au reste du monde

La Lionne blanche, par Henning Mankell. Trad. du suédois par Anna Gibson. Seuil, 429 p. Paru également, un de ses romans  » africains  » : Le Fils du vent. Trad. du suédois par Agneta Ségol et Pascale Brick-Aïda. Seuil, 329 p.

On a souvent souligné, à juste titre, que le roman policier servait de miroir à la société qu’il décrivait. Le Suédois Henning Mankell ne déclare pas autre chose, citant Macbeth et Dostoïevski, le crime et le châtiment, Conrad et le Carré. Histoire d’enfoncer le clou dans le crâne de ceux qui prennent encore le genre avec des pincettes, il déclare volontiers que l’auteur de L’espion qui venait du froid est  » l’écrivain le plus important du moment et qu’il aurait dû recevoir le prix Nobel de littérature depuis longtemps « . Le ton est donné, qui n’appelle guère de contestation, à moins d’avoir sous le coude une sérieuse liste d’arguments contraires, et encore il va falloir se lever de bonne heure, eu égard à la force tranquille qui émane de ce costaud de 56 ans. De toute manière, on est d’accord.

Mais le miroir que tend Mankell à son pays est un peu plus large qu’ailleurs, évitant ainsi de s’en tenir à une vision intra-muros qui phagocyte parfois le genre, à force de ne balayer que son propre trottoir.  » Mes romans partent du principe que tout ce qui se passe en Suède a des connexions avec le reste du monde « , déclare-t-il. Une ouverture qu’il tient de ses voyages, en France comme étudiant, puis en Afrique : la Guinée-Bissau, la Zambie et le Mozambique, où, depuis vingt ans, il passe sept mois sur douze à s’occuper du Théâtre national. Pas étonnant que son premier roman policier, Meurtriers sans visage, tisse un lien Nord-Sud à travers les assassinats de travailleurs clandestins venus trouver en Suède la chaleur d’une société érigée en modèle économique.

Pour l’occasion, Mankell invente un policier dont le nom lui est donné par un doigt posé au hasard dans l’annuaire : Kurt Wallander. Il travaille à Ystad, dans le sud du pays, aime toujours sa femme, qui vient de le quitter, également sa fille, qui lui est parfois étrangère, et son métier, auquel il se raccroche comme à une bouée de sauvetage face à une vie qui part en vrille et à un diabète qui le mine de l’intérieur. L’un de ces personnages qui font le bonheur des lecteurs, pas génial ni original, un chouia laborieux même, mais qui transpire son humanité au moindre mouvement.  » Il a des secrets que je ne connais pas « , note Mankell dans un mélange de sincérité et de coquetterie d’auteur.

Le roman est un succès, et Mankell se convainc de repartir à l’aventure avec son héros qui, du coup, sera présent chaque fois. Une bonne idée, car le suivant, Les Chiens de Riga, qui met en scène la Lettonie après l’effondrement de l’URSS, est sans doute son livre le plus emblématique.  » Ce qui est arrivé au monde après la chute du mur de Berlin est le point commun à toutes mes histoires « , souligne-t-il. Ainsi de La Lionne blanche û écrit il y a dix ans û qui relie la Suède à l’Afrique du Sud par un complot visant à assassiner Nelson Mandela. Un roman d’anticipation à l’époque. Un beau coup de rétroviseur aujourd’hui. Miroir encore, miroir toujours.

Eric Libiot

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