Spa a été préservée

Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Relativement épargnée par les atrocités de la guerre et par les difficultés de l’Occupation, la ville a pourtant, une nouvelle fois, joué son rôle de cité délassante. En accueillant notamment le centre de récréation des soldats américains.

Il est encore là, sur pied, en plein centre de Spa. Le monument élevé à la mémoire des héros du 4e Régiment de lanciers, souvenir ému de 1914-1918, a joué un rôle symbolique durant l’Occupation. A ses dépens. Des soldats allemands, ivres, se sont en effet livrés, en décembre 1940, à une mutilation en règle de cette statue, provoquant, par la symbolique de l’acte, l’ire de la population locale. Autre fait marquant : l’atterrissage forcé, trois mois plus tôt, d’un avion qui s’était ensuite payé une traversée de la ville, sans ailes, pour aller rejoindre l’aérodrome de La Sauvenière. Des péripéties somme toute bien anodines, si on compare la situation spadoise avec le sort réservé à Tournai, par exemple, bombardée sans pitié par les Allemands (voir notre édition du 25 mars).  » Mais l’épisode du monument des lanciers a choqué la population, relate Marie-Christine Schils, conservatrice du musée de la Ville d’eaux. La haine des « boches », comme on disait alors, est encore présente, surtout après 14-18 où la Belgique entière a beaucoup souffert. Spa, durant la Première Guerre mondiale, s’était fait une place particulière puisqu’elle accueillit notamment un hôpital pour convalescents allemands, puis le grand quartier général des occupants, qui est resté sept à huit mois dans la ville. En 40-45, Spa reçut à peu près le même traitement que les autres villes et il est vrai qu’on a été relativement préservés. On a échappé au plus gros. Après l’invasion, en mai 1940, quelques hôtels et villas ont été réquisitionnés et seules quelques maisons ont été touchées par des obus. En réalité, Spa s’est vraiment retrouvée, en décembre 1944, à la porte de l’offensive von Rundstedt, l’un des épisodes les plus fameux de la bataille des Ardennes. « 

En clair, comme sur l’ensemble de la carte du pays, c’est l’accommodation qui a prévalu dans la ville d’eaux. Une accommodation d’autant plus évidente, pour la population locale, qu’elle était habituée à… recevoir des visiteurs !  » Cela fait plusieurs siècles que les Spadois sont habitués à côtoyer des étrangers : à force de tourisme et de villégiature, les habitants se sont adaptés à toutes les mentalités issues de l’étranger « , poursuit Marie-Christine Schils. Avant la guerre, beaucoup d’établissements sont notamment consacrés presque exclusivement aux touristes juifs… C’est cette nature de ville thermale et touristique qui donna peut-être à Spa sa véritable singularité pendant l’Occupation. Ou plutôt à la fin de celle-ci. Soucieuse d’offrir aux soldats américains qui ne pouvaient rentrer au bercail un lieu de détente et de repos, l’armée de l’Oncle Sam va faire du casino de Spa son  » recreation center « , où les soldats viendront profiter de la vie. Bar, piste de danse, petits spectacles et même une chapelle : les militaires US passaient quelques jours à Spa pour y prendre des bains, faire du sport, se divertir. Parmi eux, Tony Strobl, l’un des dessinateurs de Disney…

Dans cette même logique de singularité spadoise, notons que pas moins de 8 millions de bouteilles de Coca-Cola ont été embouteillées par Spa Monopole, qui avait conclu un partenariat avec la célèbre marque de soda, laquelle importait le mystérieux sirop par bateau.  » Par la suite, Spa Monopole a voulu créer sa propre marque de Cola, mais cela n’a pas duré longtemps « , confie encore Marie-Christine Schils, devant les reliques d’un accident d’avion : un morceau de pull et un bout de carlingue issus du crash, en avril 1944, d’un engin de la RFA bourré d’explosifs, du côté de Bérinzenne. Sacré cratère…

GUY VERSTRAETEN

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire