Olivier Gourmet campe de façon formidable le libraire tourmenté de La Petite Chartreuse, belle adaptation du roman de Pierre Péju par Jean-Pierre Denis
Aux frontières du réel et de l’imaginaire, du quotidien et du conte, La Petite Chartreuse propose un voyage physique et mental dont le moins qu’on puisse écrire est qu’il touche juste et profond. Dans l’adaptation remarquable que Jean-Pierre Denis signe du livre de Pierre Péju (éd. Gallimard), Olivier Gourmet interprète de manière bouleversante Etienne Vollard, un libraire tourmenté par un passé d’alcoolisme et de violence, un homme qu’afflige aussi un trouble étonnant de la mémoire : tout ce qu’il lit s’imprime à la virgule près dans son cerveau !
Un jour, Vollard, au volant de sa voiture, renverse une petite fille qui se retrouve dans le coma. Il ira la voir sur son lit d’hôpital, lui racontera des histoires, lui dira des livres entiers pour la ramener à la conscience. Constatant par ailleurs que la mère de la petite (jouée par Marie-Josée Croze) est dépassée par les événements, le libraire voudra faire plus encore pour l’enfant, jusqu’à, peut-être, et sans le savoir forcément, offrir sa vie à lui pour que la sienne reprenne un cours heureux…
Souffle vital
» Je suis immédiatement tombé amoureux de cette histoire « , explique Olivier Gourmet, qui a retrouvé sur le tournage du film le directeur de la photographie attitré des frères Dardenne, l’excellent Benoît Dervaux. » Ce personnage qui sacrifie sa vie pour en sauver une autre possède une dimension héroïque et un sens positif que j’ai beaucoup appréciés, poursuit l’acteur belge, car il se situe au-delà de la culpabilité, au-delà de la rédemption. Vollard est dans le souffle, le souffle des mots, le souffle du vent glacé sur les cimes vers lesquelles il aime aller marcher et où il emmènera la petite, le souffle vital, aussi, qu’il va transmettre à l’enfant au prix de sa propre existence… » Gourmet épouse la simplicité et l’éthique du cinéma qui sont celles de Jean-Pierre Denis, comme lui d’origine rurale et qui partage son » sens paysan de la vie « . Les deux hommes ont voulu et su épurer de tout sentimentalisme facile un film » qui n’en suscite finalement, à force de retenue, qu’une émotion plus forte encore « .
Pour un comédien désormais pleinement reconnu, qu’on retrouve ces jours-ci au Festival de Cannes avec L’Enfant, des frères Dardenne, La Petite Chartreuse marque une étape importante, d’atmosphère douloureuse, mais où le plaisir d’atteindre une vérité par les moyens de l’art s’exprime pleinement. » Je ne sais plus qui a dit, commente Gourmet, qu’on ne sait pas pourquoi on commence ce métier d’acteur, mais qu’il faut en tout cas savoir pourquoi on le continue. » D’évidence, il sait. Et nous aussi, devant une interprétation qui jamais ne quittera notre mémoire.
Louis Danvers