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« Si les rues restent dédiées à la voiture, le 30 km/h est une absurdité. »

Sociologue de la mobilité aux Facultés universitaires Saint-Louis (Bruxelles), Michel Hubert estime que la limite de 30 km/h n’est pas respectée par la plupart des automobilistes. Il plaide pour la création d’aménagements urbains qui évitent la concurrence et les conflits entre les différents modes de déplacement.

Accidents, agressions, insultes sur les réseaux sociaux: la tension monte à Bruxelles entre automobilistes et cyclistes. La zone 30, entrée en vigueur le 1er janvier, ne devait-elle pas « apaiser » la ville?

Encore faudrait-il que la mesure soit respectée! Au début de l’année, les automobilistes se tenaient à carreau. Maintenant, beaucoup roulent aussi vite que l’an dernier, comme s’ils avaient déjà oublié la zone 30. Le premier bilan de Bruxelles Mobilité, sorti en mai, constatait une diminution de la vitesse en ville. Le dernier, publié fin août, ne mentionne plus ce progrès. On sait bien que les limites de vitesse ne sont jamais respectées à la lettre. Imposer le 50 km/h, c’est obtenir en réalité une vitesse moyenne de 60 à 70 km/h. Là où le 30 est de rigueur, les autorités espèrent que les voitures rouleront entre 40 et 50 km/h. Aujourd’hui, je constate intuitivement que la plupart des automobilistes roulent à plus de 50 km/h en zone 30.

Les pouvoirs publics bruxellois devraient plus communiquer sur les nouvelles limitations de vitesse en ville.

Faut-il multiplier les contrôles de vitesse?

La création de la zone 30 a suscité des polémiques dans le milieu politique. Pour qu’elles s’atténuent, le gouvernement bruxellois a adopté une stratégie attentiste en matière de sanctions. L’idée est de laisser passer le temps, pour que les controverses retombent et que les automobilistes s’habituent aux nouvelles règles. La campagne répressive et préventive a été différée. Les autorités ont fait le service minimal sur le plan de la communication. On ne voit pas beaucoup de messages de rappel de l’existence des limitations de vitesse. Les distraits qui rentrent en ville via de grands axes peuvent s’imaginer que la règle générale est le 50 km/h.

La zone 30 est donc un échec, selon vous?

Elle n’est sûrement pas la solution à tous les défis de la mobilité urbaine. Et elle ne peut être un choix qui exempte les pouvoirs publics de mesures plus courageuses, comme l’élimination des avantages fiscaux accordés aux voitures de société. La zone 30 est une mesure avant tout symbolique, qui doit être accompagnée d’autres initiatives si l’on veut améliorer la qualité de vie en ville. L’espace public dans son ensemble doit concrétiser le concept de ville apaisée. Cela ne se fait pas en deux temps trois mouvements, mais par la création d’un réseau qualitatif qui valorise les transports publics et assure aux aménagements pour cyclistes une continuité spatiale. La politique de mobilité doit aller de pair avec la politique urbanistique. Tant que les rues de la ville resteront des espaces principalement dédiés à la voiture, il est absurde d’obliger les automobilistes à rouler à 30 km/h.

Michel Hubert, sociologue de la mobilité aux Facultés universitaires Saint-Louis, à Bruxelles.
Michel Hubert, sociologue de la mobilité aux Facultés universitaires Saint-Louis, à Bruxelles.© DR

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