Sentiments partagés

Avec finesse, Stéphane Crémer transmet l’impression d’abandon et Claudie Gallay, la tentation de l’aventure

Comme un charme, par Stéphane Crémer. Denoël, 103 p.

Dans l’or du temps, par Claudie Gallay. Ed. du Rouergue, 317 p.

Les belles surprises d’une rentrée littéraire viennent autant des inconnus que des grands noms très attendus. Deux auteurs en apportent une fois de plus la preuve : Stéphane Crémer et Claudie Gallay. L’un donne Comme un charme, premier récit très personnel, l’autre Dans l’or du temps, un cinquième roman captivant.

Stéphane est le fils de Bruno Crémer, comédien français bien connu au théâtre, au cinéma et à la télévision, où il est depuis quelques années l’interprète fidèle de Maigret. Il est né d’un amour passager. Ses parents vite séparés, il est resté l’unique témoin d’une étreinte fugace. Elevé sans véritable tendresse et sans comprendre pourquoi, la cinquantaine venue, il compose ce récit en courts chapitres, en brèves et cruelles notations, jusqu’à rendre perceptible cette impression d’abandon qui l’a habité toute sa vie.  » Quel âge pouvais-je avoir ?  » se demande-t-il souvent. Aucune importance. Qu’il soit enfant, adulte, adolescent, la douleur est toujours égale. Ce texte aurait pu tomber dans la case people, passionner pendant quelques jours les gazettes à scandale. Il s’en échappe par des qualités d’écriture qui lui permettent de pincer l’essentiel, l’indicible.

Une grand-mère savante

Ce que réussit aussi Claudie Gallay dans son roman. Elle met en scène un homme. La trentaine, enseignant, marié, père de deux filles. Heureux. Début juillet, il part comme tous les ans au bord de la mer. Tout va bien jusqu’à ce qu’il croise une vieille femme qui porte un lourd paquet. Il l’aide, la raccompagne. Elle lui ouvre sa porte et la conversation commence entre eux. Elle parle de sa vie, de cet épisode en particulier où, pendant la guerre, elle est partie en Amérique avec son père, photographe de métier, sur le même bateau que Breton, Max Ernst et les autres. Là-bas, ils se sont passionnés pour les Indiens Hopi. Elle ouvre ses armoires, ses albums. Il découvre des merveilles. Alice tient de la grand-mère savante et de la sorcière. Elle lui montre un possible ailleurs. L’homme vacille entre le confort monotone des familles et ce besoin d’aventure. Il doute. Qu’est-ce qu’une vie sans risque et sans passion ? Le plus dur est de choisir. l

Daniel Martin

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