Sclessin : 1 enfer, 4 tribus

Tous les supporters du Standard soutiennent leur équipe avec passion. Mais quatre groupes rassemblent les plus fanatiques d’entre eux : Kop Rouches, Ultras Inferno, Hell- Side et Publik Hysterik.

Le chauvinisme, à Liège, n’est pas un vain mot. Aux abords de la place Saint-Lambert, une rengaine revient sur toutes les lèvres :  » Le Standard peut compter sur les meilleurs supporters de Belgique.  » Pure esbroufe ? Soyons sincères : la ferveur des tifosi rouge et blanc a de quoi rendre envieux la plupart des clubs belges. Lors de la saison 2000-2001, le nombre d’abonnés avoisinait les 8 000 ; ils sont aujourd’hui presque 20 000…

Malgré cela, le stade de Sclessin serait une morne plaine sans les Ultras Inferno, Kop Rouches, Hell-Side et Publik Hysterik. Quatre clans très structurés, qui possèdent chacun une identité propre.  » Nous, on ne se positionne pas comme des spectateurs, mais comme des acteurs du match, insiste Massi (30 ans), responsable charismatique des Ultras. Il ne faut pas confondre les supporters lambda, qui mettent leur écharpe une heure avant le match, avec des gens comme nous, impliqués jusqu’au cou. Quand t’es Ultra, tu vis le Standard presque comme une religion.  » L’objectif de ces supporters jusqu’au-boutistes : enflammer les tribunes – parfois au sens propre – et jouer à fond leur rôle de douzième homme.  » François Sterchele, du FC Bruges, clame partout que ça ne lui fait rien d’être hué par un stade de 25 000 personnes. C’est faux ! A Sclessin, il a touché trois ballons en nonante minutes « , lance Didier Conson, chef de file du Kop Rouches.

Chacun des quatre groupes occupe sa place dans l’enfer de Sclessin. Au centre de la tribune 2 (T2), la plus ancienne du stade, le Kop Rouches rassemble les supporters historiques du Standard : certains d’entre eux n’ont raté quasi aucun match depuis la création du groupe, en 1968. Le Kop a longtemps constitué le noyau dur des supporters du club, avant d’être détrôné par le Hell-Side et les Ultras Inferno, qui se partagent l’étage intermédiaire de la T3, la  » tribune terril « .

Imprégné par la culture foot britannique, le Hell-Side est né au début des années 1980. A l’époque, des jeunes dissidents du Kop se regroupent. Ils veulent chanter en anglais et défendre coûte que coûte l’honneur du club… De ses débuts tumultueux, le  » HS  » a gardé le bouledogue pour insigne. Mais ses membres, vieillissant, montrent de moins en moins les crocs.  » Nous avons toujours été très fermés et méfiants, reconnaît Djeba, leader du groupe. Beaucoup auraient voulu intégrer le Hell-Side, mais n’y sont pas parvenus. A un moment, les gens n’osaient même plus nous approcher. Maintenant, on se dit qu’il faudrait des jeunes pour assurer la relève. « 

Nés à leur tour d’une dissidence du Hell-Side, les Ultras ont amené au Standard le  » supportérisme  » à l’italienne, moins violent et plus théâtral. Ils se singularisent par leur engagement social et leur totale indépendance vis-à-vis de la direction du club. De leurs blocs jaillissent des drapeaux palestiniens et des banderoles à l’effigie de Che Guevara.

De l’autre côté du stade, face aux Ultras et aux Hell-Siders, le Publik Hysterik siège à la tribune 4, jusqu’il y a peu réservée aux visiteurs. Le  » PHK  » s’est d’ailleurs créé pour empêcher que tout un pan du stade ne soit ainsi laissé à l’ennemi. Rayon influences, le groupe lorgne vers l’Argentine et le Brésil.  » On essaie de créer une ambiance chaotique, avec des pogos, des trucs bien délire, raconte le fondateur du groupe qui, méfiant, préfère rester anonyme. Chez nous, il y a des gens torses nus, hiver comme été. Moi, je passe tout le match dos au terrain, mégaphone en main, pour lancer les chants. Comme je ne vois rien de la partie, je l’enregistre sur Belgacom TV. « 

Ailleurs qu’au Standard la présence de plusieurs groupes de supporters aux identités distinctes a parfois dégénéré. Ainsi, au Paris Saint-Germain, une véritable guerre des tribunes oppose le Kop of Boulogne, noyauté par l’extrême droite, et les supporters de la tribune Auteuil, souvent originaires des cités. Le Standard est-il à l’abri de ce genre de dérives ?  » On ne sait jamais, répond sagement Louis Smal, président de La Famille des Rouches, l’organisation qui fédère tous les supporters. Les mouvements de foule, par définition, sont difficiles à contrôler.  » Le meilleur moyen d’éviter les tensions reste encore les résultats de l’équipe : les bonnes performances du Standard, tout au long de cette saison, ont beaucoup contribué à améliorer les relations entre les clubs de supporters, ainsi qu’entre supporters et direction du club.

François Brabant

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