Sarkozy Préparatifs de campagne

 » Dire qu’on ne pense pas à l’année prochaine, personne n’y croirait « , a lâché le président français, le 27 juin. Il ne se contente pas d’y penser. Il y travaille.

Pour le candidat Nicolas Sarkozy, l’heure des premières décisions est arrivée. Le chef de l’Etat vient de recevoir une note détaillée, qui lui demande de trancher un point important de sa future campagne : le rôle de l’UMP et, par ricochet, les conséquences immobilières. Dans quelle mesure le parti et son personnel, en dehors des responsables politiques, seront-ils associés ? Faut-il alors un simple appartement pour le candidat, un vrai QG ou laisser beaucoup de monde au siège du mouvement ?

Une bataille se prépare d’autant plus tôt qu’elle commencera officiellement tard – le président assure qu’il n’annoncera sa candidature qu’en février 2012. Mais il y travaille avec le souci du détail qui le caractérise, au point d’avoir déjà très précisément en tête la manière dont il se déclarera.

Il a aussi déterminé les  » quatre ou cinq thèmes lourds  » autour desquels sera bâti son programme. Pendant que le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, multiplie les rendez-vous (Alain Juppé le 19 juin, Edouard Balladur le 24) pour élaborer le projet, le président creuse sa propre réflexion. Le 6 juin, comme l’a indiqué Paris Match, Nicolas Sarkozy, entouré de deux de ses conseillers, Xavier Musca et Camille Pascal, déjeune avec Jean-René Fourtou, président du conseil de surveillance de Vivendi et de la fondation Bordeaux Université, expert des questions industrielles, Alain Carignon, Brice Hortefeux, ainsi que deux relais d’opinion, dont Charles Villeneuve. Autour de la table se trouve aussi Michel Pébereau – une suggestion de Fourtou : le président du conseil d’administration de BNP-Paribas a joué un rôle important lors de la crise financière de 2008. Or une idée est évoquée au cours du repas : il faut que le troisième anniversaire de la faillite, le 15 septembre 2008, de la banque Lehman Brothers soit l’occasion de mettre en valeur l’action du chef de l’Etat à ce moment décisif du quinquennat. D’autres déjeuners sont en cours d’organisation.

Entretenir les réseaux, penser aux sarkozystes oubliés

Entouré des incontournables Patrick Buisson, son conseiller, Jean-Michel Goudard, son directeur de la Stratégie, et Pierre Giacometti, l’ancien directeur de l’institut de sondages Ipsos, Nicolas Sarkozy ne laisse à personne le soin des man£uvres politiques. En avril, il a dégagé le nom des six trentenaires et quadras qui l’épauleront : François Baroin, Xavier Bertrand, Luc Chatel, Jean-François Copé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire – liste à laquelle il ajoute Alain Juppé.

Un autre responsable a désormais du temps pour le seconder : Brice Hortefeux, et ses trois casquettes. D’abord, s’il n’est pas (encore) directeur de campagne, il est le premier des sarkozystes, et toute la classe politique le perçoit ainsi ; ensuite, avoir été ministre de l’Intérieur, c’est-à-dire celui qui accorde des subventions, lui permet d’entretenir de bonnes relations avec des élus de la majorité comme de l’opposition ; enfin, au Parlement européen, loin de Paris, il voit des eurodéputés de toutes tendances.

Au cours des dernières semaines, Hortefeux a donc  » traité  » Jack Lang – pour qu’il ne se répande pas en propos acrimonieux contre le président, une fois que le poste de défenseur des droits de l’homme lui eut échappé -, dîné avec le centriste Hervé Morin, discuté avec le chiraquo-borlooiste Frédéric Salat-Baroux, consolé Hervé Novelli du sort réservé aux libéraux, profité d’un voyage en TGV pour Bruxelles pour parler avec Marielle de Sarnez la complice de François Bayrou, croisé Jean-Luc Mélenchon et les proches de Martine Aubry, Harlem Désir, et de François Hollande, Stéphane Le Foll. Actuels et ex-ministres (d’Eric Woerth à Luc Chatel) le rencontrent aussi pour ne pas être oubliés dans le dispositif.

Brice Hortefeux s’apprête également à relancer sa task force ébauchée à l’Intérieur : le mercredi, à midi (la première réunion, finalement reportée, aurait dû avoir lieu le 22 juin), se retrouveront une douzaine de ministres, secrétaires d’Etat, parlementaires et élus locaux – en présence d’un proche de Patrick Buisson, le directeur de La Lettre de l’opinion, Guillaume Peltier, dont les réflexions sur les mots-clés qui mobilisent votre électorat et démobilisent celui de l’adversaire suscitent un intérêt croissant. Dans l’amorce d’une campagne, entretenir les réseaux, penser aux sarkozystes oubliés quand ils ne se sont pas sentis insultés, aller chercher ceux qui détestent le président sans forcément le connaître sont des tâches chronophages. Dans les premiers jours de mai, le chef de l’Etat a reçu les membres du Club du panache, à l’initiative duquel Brice Hortefeux avait été Place Beauvau et qu’il réactive actuellement. En son sein, le préfet Pierre Monzani, l’universitaire Yves Roucaute, l’écrivain Denis Tillinac, un éditorialiste et d’autres hauts fonctionnaires. De son côté, l’ancien ministre Alain Carignon facilite les contacts avec la société civile. A l’Elysée, Camille Pascal, le dernier conseiller arrivé sur lequel Nicolas Sarkozy ne tarit pas d’éloges – en un palais qui ressemble de plus en plus à  » un cimetière d’ex-favoris « , selon la formule d’un intime du président -, accroît aussi le cercle de ces visiteurs loin d’être acquis spontanément au sarkozysme (prochainement, une rencontre entre le président et des historiens) et tient le chef de l’Etat informé de toutes les opérations en cours.

Nicolas Sarkozy l’a confié à un ami : dans ce coup du sort que fut l’extravagante chute de Dominique Strauss-Kahn, il a vu  » la main de Dieu « , allusion à l’expression du footballeur Diego Maradona, dont le talent fut servi par la chance : il marqua un but, en pleine Coupe du monde, de manière illicite mais sans que l’arbitre s’en aperçoive. Le président, rarement à court d’optimisme, a toujours cru en son destin. Pour peu que Nicolas Hulot, d’un côté, et Martine Aubry, de l’autre, soient désignés après les primaires écologiste et socialiste, et il estimera que son horizon se dégage encore.

 » Le fait que j’ai réformé le pays est une idée qui passe « , assure Nicolas Sarkozy. Une enquête de l’Ifop a encouragé l’Elysée : elle étudie le regard de l’opinion sur 17 réformes du quinquennat (des plus plébiscitées, comme l’interdiction de la burqa dans l’espace public, aux plus critiquées, comme le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux) et 13 propositions du projet du PS (l’augmentation des droits de douane en cas de non-respect des normes internationales est très bien perçue, la création d’un impôt écologique et le droit de vote des étrangers aux élections locales le sont très mal). Mais les sondages sur les intentions de vote oscillent toujours entre le très moyen et le franchement mauvais. La perception de l’image personnelle de Nicolas Sarkozy reste problématique. En avril, la double séquence, soigneusement construite, d’opposition entre le chef de l’Etat et la responsable du Medef, Laurence Parisot, sur l’immigration de travail et la prime aux salariés n’a pas suffi à gommer l’image du président des riches. C’est peut-être aussi une raison pour laquelle Nicolas Sarkozy prépare déjà 2012 : la partie est loin d’être gagnée.

ERIC MANDONNET

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