Sarkozy Le fils qui valait des milliards

Jean, le deuxième fils du président, à la tête de l’établissement qui gère le quartier de la Défense ? Son élection annoncée prend les proportions d’une affaire d’Etat.

Jeune homme, 23 ans (mais pas depuis longtemps), le bac en poche (mais rien d’autre à l’avenant), juste un an de fac de droit et pas plus d’expérience au conseil général des Hauts-de-Seine, occuperait volontiers très grand fauteuil de très grand patron, à la tête d’un établissement tout plein d’argent. Une blague ? Si le scénario se déroule comme prévu, Jean Sarkozy, deuxième fils du président de la République, prendra, au début de décembre, la tête de l’Epad. L’Epad, c’est l’Etablissement public pour l’aménagement de la région de la Défense à Paris, chargé du développement du plus grand quartier d’affaires d’Europe. Autrement dit, l’Epad, ce sont des milliards d’investissements, sur un territoire qui concentre plus de 150 000 employésà  » Dans les Hauts-de-Seine, on n’a guère l’expérience de la transparence absolue ; le risque, c’est, au mieux, le copinage, au pire, la corruption « , relève le socialiste Jean-Louis Bianco, qui fut tuteur de l’Epad comme ministre de l’Equipement.

Au commencement de cette petite plaisanterie (qui n’en est pas une, finalement) était Patrick Devedjian. L’actuel président du conseil d’administration de l’Epad, qui a atteint la limite d’âge, est contraint d’abandonner la première place. Selon Le Figaro du 13 octobre, Matignon était prêt à prendre un décret pour repousser le couperet des 65 ans, projet sitôt refusé par l’Elysée. Las ! Chez les Sarkozy père et fils, un heureux événement n’arrive jamais seul. Non seulement l’âge du capitaine les en débarrasse, mais encore savent-ils pouvoir compter sur la bienveillance de leurs amis : l’un des deux administrateurs de l’Epad issus du conseil général des Hauts-de-Seine a indiqué, le 8 octobre, qu’il démissionnerait de son poste, le laissant vacant pour  » Jean « . Une fois dans l’Epad, en briguer la présidence relève de l’évidence.

C’était oublier la force du buzz médiatique et, surtout, l’opposition politique. Dès le lendemain de l’annonce de la promotion de Jean Sarkozy, François Bayrou réagit dans une interview au Monde :  » Tous les piliers solides sur lesquels notre pays s’était construit, en termes de principes, de décence, de raison, chancellent et s’effritent. Cela rappelle l’Empire romain.  » Le 11 octobre, Ségolène Royal n’est pas moins sévère pendant son Grand Jury RTL/ Le Figaro/LCI :  » La République, c’est quoi ? C’est la reconnaissance des places de chacun en fonction de ses mérites propres, pas en fonction du nom qu’il porte.  » Laurent Fabius, sur France Inter, a, lui, manié l’ironie :  » On a besoin de quelqu’un qui soit un très bon juriste, or il est en deuxième année de droit, c’est déjà un élément très fort ; on a besoin de quelqu’un qui connaisse bien les affaires, et, là, je pense qu’il peut y avoir quelques prédispositions.  »  » Quoi que je dise, quoi que je fasse, je serai critiqué « , a simplement répondu Jean Sarkozy, le 12 octobre, rappelant qu’il avait passé l’épreuve du suffrage universel à Neuilly.

 » Les héritiers sont faits pour être décapités « , a dit, un jour, Nicolas Sarkozy à propos d’Alain Juppé. Il a juste oublié de préciser qu’il parlait seulement des héritiers des autres : le sien, il lui offre sur un plateau la tête de ses rivaux. Ce qui n’est pas forcément le meilleur chemin vers un destin politique serein.

élise Karlin

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