Saint Bernard des mots

Bernard Pivot vole au secours de 100 mots en péril. Une jolie croisade française

100 Mots à sauver, par Bernard Pivot. Albin Michel, 130 p.

A chacun sa cause. Certains ont épousé celle du peuple, d’autres celle des femmes. Bernard Pivot, lui, est ému par les mots. Chaque fois qu’il ouvre ses dictionnaires, il n’a qu’une crainte : voir disparaître un jour l’un de ses protégés. Et, s’il sait bien qu’une langue vivante doit évoluer, que les mots  » décédés  » sont remplacés par autant de  » nouveau-nés « , rien à faire, Pivot refuse de capituler face à ce jeunisme lexical.

Pressentant la mort prochaine de quelques-uns de ses vocables favoris, l’instit préféré des Français a donc pris la plume pour sauver 100 mots qu’il juge en péril. Argousin, débagouler, fesse-mathieu, grimaud, nitescence, patache ou purotinà chacun des termes répertoriés dans cet épatant petit livre est expliqué puis remis dans son  » milieu naturel  » grâce à une citation d’écrivain.

On imagine le crève-c£ur au moment de sélectionner les 100 futurs rescapés. Pourquoi mirliflore plutôt que marneur et peccamineux de préférence à pleuvoter ? C’est là tout le charme et la limite de cet exercice, qui est d’abord une belle déclaration d’amour à la langue française. Car, si on l’écoutait, Pivot les sauverait tous, ces grognards du langage qui ont roulé leur bosse dans les siècles passés. Il plaide même pour une augmentation du nombre de pages des dictionnaires, afin de faire de la place aux petits nouveaux sans licencier les grands anciens !

Tout en saluant ce combat, il est toutefois permis de se demander si les mots sont à ce point en péril dans un pays où, plus que n’importe où ailleurs, on chérit la langue. Si diantre et faquin sont peut-être menacés d’être rayés des dictionnaires, ils restent bien vivants dans l’£uvre de Greg, le père d’Achille Talon, qui a bâti une partie de son succès en exhumant des expressions désuètes. Le mot matutinal a, lui, été remis au goût du jour par le chroniqueur radiophonique Philippe Meyer. Pierre Desproges a redonné vie aux adjectifs melliflu et chafouin qu’il affectionnait tant. Sans parler du tracassin ou du quarteron, sauvés de l’oubli par de Gaulle. Ah ! quelle révolution si, comme le suggère le magazine Lire, chaque Français adoptait et défendait a son tour un terme qui lui serait cher. Soixante millions de mots, qui dit mieux ?

O.L.N.

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