Ruggero Raimondi face à Verdi
Le célèbre baryton-basse et acteur italien a dominé de sa stature toute la seconde moitié du XXe siècle. Interprète inoubliable de Don Giovanni, il affronte, à 72 ans, la mise en scène d’Attila de Verdi à l’Opéra de Liège. Rencontre.
Le Vif/L’Express : Pourquoi Attila, une oeuvre peu connue ?
Ruggero Raimondi : Quand Stefano Mazzonis, directeur de l’Opéra de Liège, m’a proposé de mettre en scène un opéra, j’ai voulu Attila. J’ai toujours aimé cette oeuvre qui nous renvoie au Ve siècle quand Attila et ses Huns marchaient sur Rome. L’histoire se répète toujours. Nous vivons dans une sorte de Moyen Age moderne. Les problèmes sont les mêmes, on chasse les populations, on détruit les villes. La violence, la cupidité, la haine et la soif de pouvoir font partie de notre quotidien. J’avais envie de recréer cet esprit » barbarico « . Ma mise en scène sera classique. Aujourd’hui, on a tendance à se projeter dans le monde moderne. Pour cela, il faut être un génie, sinon on fait des choses minables.
Verdi est-il le plus grand compositeur d’opéra ?
Le vrai Verdi date de la troisième période, quand il décrit l’âme dans Rigoletto, Don Carlo, Othello ou Falstaff… Il y a une telle cohésion entre la parole et la musique. J’aime aussi Wagner. Je ne l’ai jamais chanté et je le regrette beaucoup. Verdi m’a fait pleurer. Wagner m’a fait rêver.
Vous donnez aussi des master classes…
Oui, j’aime travailler avec les jeunes. Ils sont ouverts, aiment apprendre mais ne comprennent pas ce qui se passe dans un théâtre, ils ont peur de la scène. Une belle voix est certes un talent en soi, mais il faut travailler, acquérir le sens de l’interprétation et de la gestuelle, maîtriser le jeu de scène. A l’opéra, il faut être un chanteur ET un comédien. La scène est une forme d’ivresse. Si on arrive à surmonter la peur, à » se sacrifier « , on en retire beaucoup de satisfaction.
Quelles sont aujourd’hui les voix qui vous impressionnent ?
J’aime beaucoup Anna Netrebko. Je l’ai vue en récital. Elle est très expressive et doit être une bonne actrice. J’aime aussi Elina Garanèa, mezzo-soprano lettonne dont j’apprécie la voix et surtout l’extraordinaire sens dramatique. Les hommes ? Il vaut mieux que je n’en parle pas (rires).
Vous voyez-vous un jour directeur d’opéra ?
Non ! Trop de problèmes ! Je ne serais pas capable de les assumer. Et puis, j’ai eu tant de responsabilités dans ma vie… Basta !
Que faites-vous quand vous ne travaillez pas ?
Je voyage, surtout en France. Elle occupe une place particulière dans mon coeur, car elle m’a très bien accueilli à mes débuts. Je visite les villes que je n’ai jamais vues car je ne pouvais pas sortir de ma chambre d’hôtel.
Imaginons que vous receviez un chèque en blanc pour réaliser un rêve…
La vie a été très généreuse avec moi. J’ai eu des problèmes comme tout le monde. Aujourd’hui, je me sens très bien. Je donnerais ce chèque à ceux qui en ont besoin.
Quels sont vos projets ?
Je n’en ai pas. Je prends ce qui vient. Si cela m’intéresse, je le fais, sinon je ne le fais pas. Un jour, dans un hôtel, j’ai rêvé que j’étais à Paris. En me réveillant, j’ai pensé être à Londres. En réalité, j’étais à Munich ! Alors là, je me suis dit » stop « . Aujourd’hui j’aime être libre.
Du 20 au 28 septembre, www.operaliege.be
Propos recueillis par Barbara Witkowska
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