Rouge kaki

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Têtu à l’extrême, André Flahaut ? Il a pourtant fini par revenir partiellement sur sa décision de décapiter la brigade para-commando. Mais le ministre de la Défense est attaqué sur d’autres fronts, dont celui des fraudes à l’armée

La Défense n’est pas un département de tout repos. Pas une semaine ou presque sans scandales ou malaises au sein de l’armée et attaques en règle à la Chambre ou dans la presse contre le ministre André Flahaut (PS). Au Parlement, les dysfonctionnements au sein de l’hôpital militaire de Neder-over-Heembeek font, depuis des semaines, les choux gras de l’opposition CD&V et Vlaams Blok, proximité des élections oblige.

Dans la foulée, le dossier des malversations au préjudice de l’armée rebondit et éclabousse Flahaut. L’affaire a éclaté fin mars quand des militaires de haut vol ont été arrêtés pour association de malfaiteurs, détournement et escroquerie. Un trafic de factures au préjudice de l’armée évalué à plus de 9 millions d’euros. Si le ministre a traité les 28 inculpés de  » fripouilles « , le CDH de Joëlle Milquet n’en a pas moins dénoncé  » une faute grave de gestion du département de la Défense et une absence de procédure de contrôle adéquate  » pour prévenir les fraudes.

De son côté, le parquet fédéral recueille des déclarations mettant en cause le ministre lui-même. Ces procès-verbaux sont transmis au parquet général de Bruxelles.  » On me cherche « , commente Flahaut, qui réplique en parlant de man£uvres « nauséabondes « . Les uns l’accusent de disposer d’une Mercedes sur le dos de l’armée, d’autres stigmatisent son choix d’ouvrir une Maison de la Défense à Wavre…

Le journal De Standaard mène par ailleurs une campagne tonitruante contre le ministre socialiste, accusé de salir l’image des Etats-Unis. En cause, une exposition et une brochure éditée par son ministère à l’occasion du 10e anniversaire du génocide rwandais. Elles évoquent les 13 génocides qui se sont produits au cours des siècles, dont celui des Indiens. Le ministre socialiste a dû se défendre à la Chambre de toute accusation de génocide portée contre l’Amérique !

D’autres attaques, lancées notamment dans certains milieux militaires, sont moins partisanes et plus fondées. On a ainsi reproché au socialiste brabançon son autoritarisme, son vaste et omnipotent cabinet et ses interventions répétées dans les nominations aux hautes fonctions militaires. Sa tendance à vouloir tout contrôler dans son administration fait grincer des dents, de même que son goût prononcé pour les  » coups  » qui lui permettent d’intervenir devant les caméras.  » Avec lui, le kaki a viré au rouge, assure un responsable syndical. Il impose lourdement ses priorités, l’humanitaire, le social, et est peu sensible au lobbying des chefs de l’armée.  »

Réputé très têtu, Flahaut a pourtant fini par revenir partiellement sur sa décision de dissoudre, d’ici à la fin juin, l’état-major de la brigade para-commando, mesure qui avait suscité un tollé. D’abord chez d’anciens responsables des paras. Puis dans le chef du président du Sénat, Armand De Decker (MR). Un site Internet de protestation a frôlé les 10 000 signatures et le Premier ministre Guy Verhofstadt, appelé à la rescousse par les contestataires, a mis sur pied un groupe de travail sur la question

Si certains militaires, relayés par une partie de la presse du Nord du pays, ont critiqué la mentalité des paras, leurs traditions de caste et leur comportement en mission, d’autres ont estimé que la disparition de l’état-major de la brigade réduirait la rapidité de réaction de ces troupes et minerait leur valeur opérationnelle. Flahaut a tenu compte de ces dernières remarques. L’état-major autonome n’est pas reformé, mais une  » cellule élargie « , installée à Evere (Bruxelles), sera forte d’une cinquantaine des 123 membres de l’ex-quartier général d’Heverlee. Toutefois, cette cellule de commandement sera placée sous la tutelle directe de la composante Terre et elle ne reprendra qu’une partie des responsabilités de l’ancien état-major. Dirigée par un colonel para-commando, elle sera chargée de gérer la capacité de réaction immédiate des unités.

De Decker, qui se verrait bien dans le fauteuil de Flahaut, donné bientôt partant selon certaines sources, a insisté sur son rôle efficace de médiateur entre les militaires et le gouvernement. Les paras, eux, sont satisfaits de la création de la nouvelle task force, mais leur souci immédiat est le Congo. Tout comme les autorités locales, ils s’interrogent sur l’avenir de la mission  » Avenir « . Les quelque 200 paras belges envoyés à Kisangani ont déjà formé deux bataillons congolais de 880 soldats et l’instruction d’un troisième groupe de 350 hommes s’achève le 4 juin. Et après ? Flahaut, accaparé par la campagne électorale, ne veut pas prendre position et renvoie la balle au gouvernement.

Olivier Rogeau

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