La Maison Autrique "Nous sommes très attachés à ce lieu (NDLR: le duo s'est chargé, entre autres, d'en revoir toute la scénographie intérieure), conçu en 1893 par Victor Horta. Quand nous y sommes entrés la première fois, il restait quelques mosaïques, une rampe en bois... Mais où était Horta? Il y avait quelque chose à faire, qu'on a essayé de réaliser."

Rêve capital

Il faut aimer Bruxelles, et surtout la rêver, nous disent, avec le nouveau Bruxelles, les auteurs de Brüsel. Une ville que Schuiten et Peeters scrutent, dessinent et « onirisent » depuis près de quarante ans, pour un livre qui tient à la fois du bilan et de la déclaration d’amour. Le duo en commente ici certaines des images.

En 1983, il y a presque quarante ans, le duo Benoît Peeters, à l’écriture, et François Schuiten, au dessin, amis depuis le lycée Don Bosco, publiait Brüsel, cinquième album des Cités Obscures nées dans le magazine (À Suivre). Un cri de colère, certes onirique et plein de fantasy, sur le sort architectural que subissait alors Bruxelles, leur ville. Depuis, Schuiten n’a jamais arrêté de la dessiner, et même de s’y impliquer très concrètement (à la Maison Autrique, au Train World ou à la Fondation Poelaert), et Benoît Peeters d’accumuler de la documentation sur celle-ci, tout en se rapprochant tous les deux de Paris pour des raisons davantage professionnelles qu’émotives. « Puis le désir est revenu ; il faut toujours prendre un peu de distance pour se rendre compte de notre attachement à Bruxelles. Le désamour est devenu affection. Cette manière de mêler passion et fâcherie est inscrite dans son ADN. »

Le palais de justice
Le palais de justice « Le bâtiment que j’ai le plus dessiné, et qui est aussi le plus mal aimé et maltraité de Bruxelles. Ses échafaudages empêchent de prendre conscience de sa majesté, on est donc obligé de l’imaginer. Et de se battre pour que les choses changent enfin. »

En résulte un beau livre (1), et non pas une bande dessinée, basé sur quatre décennies de dessins bruxellois et qui « propose une traversée tout à fait subjective de l’histoire de Bruxelles, une évocation libre de quelques moments et quelques lieux marquants, mais aussi des portraits de personnages singuliers, hantés par des rêves grandioses, comme Joseph Poelaert, Paul Otlet et Henry Van de Velde ». Un livre mêlant utopies, réalités historiques et citations, qui donne envie d’aimer un peu plus la capitale, et surtout une invitation aux artistes à se plonger dans son imaginaire : « Bruxelles, on n’en parle pas assez, on ne l’écrit pas assez, et on ne la rêve pas beaucoup, constate avec tristesse François Schuiten. Or, une ville est faite des imaginaires des artistes qui y vivent ou y passent. Je leur dis donc: venez rêver Bruxelles! »

Le quartier européen
Le quartier européen « Une des grandes cicatrices portées sur la ville, mais dont il faut désormais assumer l’héritage ; on ne peut pas éternellement pleurer sur les erreurs du passé. Surtout, aujourd’hui, ce sont les fonctionnaires européens qui aiment le plus cette ville. Les Bruxellois, eux, ne la regardent pas. »

(1) Bruxelles. Un rêve capital, par François Schuiten et Benoît Peeters, Casterman, 128 p.

Les originaux de Bruxelles. Un rêve capital sont exposés à la galerie Champaka, à Bruxelles, du 4 au 27 novembre.

Le palais Stoclet
Le palais Stoclet « Un des joyaux de l’agglomération bruxelloise (NDLR: à Woluwe-Saint-Pierre) en même temps qu’une de ses étrangetés. Une oeuvre d’art totale, pourtant interdite au grand public à cause de sa fragilité. Et que François a entièrement redessinée pour ce livre, on tenait à ce qu’il y soit. »
Le voûtement de la Senne
Le voûtement de la Senne « C’est terrible, enlever l’eau d’une ville. C’est lui enlever son sang! La ville s’est construite autour de l’eau, et subitement, on la lui a ôtée. C’est à l’image des nombreuses violences que Bruxelles a subies. »
Train World
Train World « Tout part toujours d’un dessin, et tout est dans tout. Notre travail m’a amené à scénographier le musée Train World, ce qui, par la suite, a donné naissance à l’album La Douce, comme notre travail sur la Maison Autrique nous avait amenés à l’album La Théorie du grain de sable. Réalité et fiction bruxelloises se répondent. »
La Couverture
La Couverture « L’idée de cette couverture est de montrer que la ville est prise, impénétrable. Mais lorsqu’on la regarde à travers des reflets, apparaissent alors des choses, comme un révélateur. Bruxelles est le contraire de Paris: l’écrin n’est pas clinquant, c’est même le chaos, mais quand on commence à le regarder, on y voit des merveilles. »

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