Regards décalés sur Charleroi

Empruntant l’allée tracée par Pierre Paulus,  » chantre du Pays noir « , le travail photographique de Philippe Herbet ouvre un nouveau chapitre de la grande histoire des regards posés sur la ville. Deux approches sans édulcorants que cent ans séparent.

En guise de prologue, un rapide détour par l’année 1911. En marge de l’Exposition internationale de Charleroi, Jules Destrée organise deux Salons d’art wallon. L’un consacré à l’art ancien, l’autre à l’art moderne. L’objectif est clair :  » Faire éclater aux yeux de tous, des Belges comme des étrangers, le caractère particulièrement producteur du pays de Charleroi.  » C’est la grande époque des exploitations minières, des industries métallurgiques et mécaniques, des verreries… Tout s’exporte ! La révolution industrielle battant son plein, la région profite d’un rayonnement et d’une activité économique hors du commun.

Cent ans, un siècle qui a vu les choses terriblement évoluer. Cette année anniversaire offre une bien belle opportunité de confronter deux visions de Charleroi à travers les yeux d’artistes bien ancrés dans leur temps, Pierre Paulus (1881-1959) et Philippe Herbet (1964). Exposée au Salon d’art moderne de 1911 et conservée par le musée des Beaux-Arts de Charleroi, la Jeunesse, de Paulus, sert de point d’ancrage à l’exposition. Natif de Châtelet, cet artiste remarquable se distingua très clairement à l’époque. Longtemps considéré comme le  » chantre du Pays noir « , il proposa de Charleroi une vision enfumée, habitée d’ouvriers laborieux et résignés. Reproduite jusqu’il y a peu dans les manuels d’histoire, Jeunesse a longtemps reflété la glorieuse épopée industrielle et symbolisé, malgré elle, les conditions difficiles de la vie ouvrière… Cette toile est mise en perspective avec la mission photographique menée dans la cité par Philippe Herbet en ce printemps 2011. D’origine liégeoise, ce  » promeneur  » professionnel ouvre un nouveau chapitre de la grande histoire des regards posés sur Charleroi. Entre les deux artistes, des liens se tissent au-delà du temps. Trait d’union entre leurs démarches respectives, une place prédominante rendue à l’humain.

L’exposition propose donc de comparer ces deux approches : l’une classique, dans sa durée et sa lourde matérialité d’£uvre d’art ; l’autre contemporaine, diaporama grand format d’une ville en plein redéploiement. Soudain, une dernière question surgit :  » Quel rapport existe-t-il entre ces visions d’artistes – version séculaire et clichés instantanés – et l’image véhiculée aujourd’hui par les médias ? » Réponse sans détour de Philippe Herbet :  » Les anciens ne reconnaissent plus leur cité, mais c’est pourtant le visage de l’humanité dans toute sa diversité qu’ils ont là en face d’eux, un miroir parallèle. « 

De Paulus à Herbet, du peintre au photographe, musée des Beaux-Arts de Charleroi, 1, place du Manège, à Charleroi. Jusqu’au 11 septembre. www.charleroi-museum.be

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

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