Reculer pour mieux sauter ?

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Chiffres en (léger) retrait, menace sur l’exception culturelle, succession de Daniel Toscan du Plantier : les questions ne manquaient pas aux désormais traditionnels Rendez-vous d’Unifrance

(1) Chaque année en janvier, Unifrance convie à Paris journalistes et acheteurs du monde entier pour découvrir et – pour les seconds – acquérir les nouveaux films qui feront l’actualité du premier semestre

De notre envoyé spécial à Paris

La disparition brutale de Daniel Toscan du Plantier, son capitaine infatigable, a laissé un grand vide dans la famille Unifrance. Certes, la nomination de Margaret Menegoz à la tête de l’organisme chargé de promouvoir le cinéma français dans le monde est venue donner des gages de compétence et d’engagement. La grande productrice, dont la société des films du Losange accompagne, notamment, depuis longtemps, l’£uvre d’un Eric Rohmer, allie connaissance et expérience. Elle pose sur les affaires du cinéma un regard dénué de complaisance et on la sait d’une énergie farouche et d’une remarquable fidélité aux idéaux d’un 7e art conjuguant l’ambition artistique à l’ouverture vers le public. Mais sa personnalité moins extravertie ne pouvait ni ne voulait masquer l’absence fortement ressentie d’un Toscan du Plantier, grand communicateur et, surtout, rassembleur de tout premier ordre, qui savait à merveille mobiliser la profession lorsque l’urgence s’en faisait sentir, et qui acceptait mal un refus, même émanant des plus hauts décideurs, de cet Etat dont l’apport financier n’est bien sûr pas pour rien dans la pérennité d’un cinéma français bénéficiant pleinement de l’exception culturelle.

Ce n’est pas un hasard si le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, a tenu à soutenir publiquement, lundi dernier, Margaret Menegoz et le président du Centre national de la cinématographie, David Kessler, dans leur action au service du cinéma  » made in France « . Cette intervention, faite devant la presse internationale réunie pour les désormais tradition- nels  » Rendez-vous d’Uni- france  » (1), offrit au ministre l’occasion de stigmatiser certaines attaques visant l’exception culturelle, comme la déclaration toute récente du Premier ministre espagnol, José Maria Aznar, selon lequel les pays défendant l’exception en question seraient ceux dont la culture est en déclin… Allusion fut aussi faite aux propositions de la Commission européenne qui visent à réformer (défavorablement) le système d’aide aux £uvres de cinéma et de télévision. La France plaidera pour le statu quo, tout en s’efforçant d’accélérer le projet d’une reconnaissance des garanties de diversité (et, donc, d’exception) culturelle par l’Unesco.

Des questions pour 2004

Une certaine tension régnait donc, que l’annonce des chiffres à l’exportation du cinéma français en 2003 ne put dissiper. Sans être en rien catastrophiques, ils marquent un recul par rapport à deux années, il est vrai, exceptionnellement brillantes. Avec, respectivement, 61,5 et 55 millions de spectateurs pour les films français en dehors de France, 2001 et 2002 avaient atteint des niveaux records, que le résultat 2003, 48 millions de spectateurs, ne peut concurrencer. L’absence de locomotives comme Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre ou Huit Femmes est sans doute une partie de l’explication, mais on devinait sans mal que l’accent serait mis, dans les prochains mois, sur un renforcement de la présence française dans les pays traditionnellement amateurs de films venus de l’Hexagone, comme le nôtre (Margaret Menegoz plaidant notamment pour une concordance des dates de sortie entre France et Belgique, pour bénéficier de la  » promo  » française), mais aussi et surtout dans les régions (est de l’Europe, Asie) où des parts de marché se gagnent et sont appelées à se gagner plus encore dans l’avenir. Il faudra bien évidemment que les productions exportées soient de nature à concrétiser ces efforts en attirant un large public. Et, sur ce point crucial, force est de reconnaître que peu d’£uvres présentées aux  » Rendez-vous  » semblaient de nature à relever le défi, les regards pleins d’espoir se tournant d’ores et déjà vers un second semestre nettement plus prometteur…

Louis Danvers

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