Quelle armée européenne ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

La tenue d’un mini-sommet sur la défense commune, organisé à l’initiative de la Belgique, relance l’idée d’un noyau dur européen capable d’aller de l’avant dans l’intégration militaire. Projet réaliste ?

En pleine guerre d’Irak, dont leurs forces sont absentes, quelques-uns des pays fondateurs de l’Union européenne se retrouveront à Bruxelles, le 29 avril, pour tenter de bâtir une politique de défense commune. A ce stade, ce mini-sommet réunira la France, l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, qui a rejoint ces dernières semaines les trois autres pays dans leur opposition à la stratégie américaine pour débarrasser l’Irak du régime de Saddam Hussein. Toutefois, l’Italie, qui redoute de rester à l’écart de cette initiative, propose d’élargir la réunion aux Quinze…

Mais Guy Verhofstadt, hôte du sommet, a prévenu ses partenaires : l’événement  » ne doit pas être un énième symposium sur la défense européenne, mais vise à poser des actes concrets « . Le menu de la rencontre est d’ailleurs toujours en préparation.  » Nous disposons encore de trois semaines pour formuler des propositions, en collaboration avec Paris et Berlin, glisse-t-on au cabinet du Premier ministre. Cinq ou six mesures concrètes seront avancées, outre un volet conceptuel.  » Il sera question d’une intégration plus poussée des forces. La création d’une agence de l’armement communautaire serait par ailleurs suggérée, un projet déjà évoqué par la Convention sur l’avenir de l’Europe et par la présidence grecque de l’Union. Pourraient aussi revenir sur le tapis la constitution, à terme, d’un quartier général européen et l’idée d’un mécanisme de défense collective en cas d’agression, propositions qui figuraient déjà dans une lettre que Verhofstadt avait envoyée, en juillet 2002, à Jacques Chirac et à Tony Blair.

Les Grecs et les Portugais affichent leur soutien à l’initiative belge, censée être  » ouverte à tous ceux qui veulent aller de l’avant  » dans l’intégration militaire. En revanche, Britanniques et Espagnols privilégient le lien trans- atlantique et n’ont pas répondu à l’invitation. La politique européenne de sécurité et de défense (PESD)  » doit rester de la compétence des gouvernements « , a tranché Blair. Louis Michel dit comprendre que les Etats membres aient des  » agendas différents  » sur la politique militaire. Le chef de la diplomatie belge admet également qu’une défense européenne  » ne pourra aboutir sans la participation de la Grande-Bretagne « .

Le Royaume-Uni et la France sont, en effet, les seuls Etats membres de l’Union à fournir un effort de défense crédible. Les deux pays, opposés sur la question irakienne, poursuivent leur coopération en matière de capacités opérationnelles. Les plus pessimistes craignent donc que le mini-sommet de Bruxelles n’enfonce le clou des divisions, planté le jour où huit chefs de gouvernement du Vieux Continent ont signé une lettre de soutien à la politique irakienne de Washington. Déjà, des voix dénoncent l’initiative belge qui empêcherait la recomposition de l’unité européenne.

La confirmation de la tenue du sommet relance en tout cas le concept de  » noyau dur  » européen. Verhofstadt ne le cache pas, lui qui s’est fait l’un des plus ardents défenseurs du principe d’une  » coopération renforcée  » entre quelques Etats décidés à aller de l’avant dans la construction communautaire. C’est le seul moyen, estime- t-il, de donner corps à la politique de dé- fense commune. Ce mécanisme, prévu dans les traités européens, n’a jamais été utilisé jusqu’à présent.  » Il permettra l’intégration d’un pilier européen au sein de l’Otan, assure le Premier ministre. Un nouvel atlantisme pourra alors émerger.  » Sur ce chemin miné, le sommet du 29 avril n’est qu’une étape. Il s’agit, avant tout, d’émettre un signal clair pour la suite des travaux de la Convention, perturbés par les déchirements des Quinze sur l’Irak.

Olivier Rogeau

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