Quand les étudiants étrangers débarquent en nombre

Un étudiant sur six est étranger dans les universités de la Communauté française. Un chiffre qui montre que l’enseignement supérieur en Belgique est très ouvert. Trop ouvert dans certains secteurs paramédicaux ? Certains cursus ont dû limiter le nombre d’étudiants venus d’ailleurs.

C’était en 2005. La ministre francophone de l’Enseignement supérieur de l’époque, Marie-Dominique Simonet, laissait échapper son exaspération à propos du nombre d’étudiants étrangers dans les facultés de médecine vétérinaire. Et pressait le bouton  » stop « . Quelques mois plus tard, le 16 juin 2006, un décret de la Communauté française limitait le nombre d’étudiants non résidents à 30 % du total des étudiants dans plusieurs cursus paramédicaux.

Quatre ans ont passé, mais ce décret n’a toujours pas fini de susciter le débat. Modifié à trois reprises, il a été la cible de plusieurs recours. L’un d’eux, déposé par deux étudiants français non résidents auprès de la Cour constitutionnelle, est toujours pendant aujourd’hui. Il met en cause le traitement inéquitable induit par le décret. En avril, la Cour européenne de justice avait indiqué qu’il était en principe interdit d’instaurer des quotas dans les facultés d’enseignement. Un risque pour la qualité de la santé publique pouvait toutefois justifier le décret. La Cour constitutionnelle devrait rendre un avis très prochainement.

Protéger les services médicaux

Du côté du cabinet de Jean-Claude Marcourt, l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur, une légère inquiétude est palpable à quelques semaines de la décision. Pourtant, l’on soutient fermement que les quotas visent à protéger les services médicaux.  » Les sages-femmes doivent faire au minimum 50 accouchements pendant leur formation. Or le nombre d’accouchements n’est pas extensible ! On est obligé de limiter le nombre des étudiants pour pouvoir les former correctement « , explique Yves Roggeman, conseiller auprès du cabinet. L’argument est valable pour toutes les formations paramédicales.

L’aspect économique, derrière ce décret, n’est pas négligeable non plus. Les étudiants non résidents ne cotisent pas en Belgique. Ils  » profitent  » de l’enseignement belge, puis, dans la plupart des cas, retournent chez eux à la fin de leurs études. Résultat : la Communauté française paie pour eux et se retrouve ensuite face à une pénurie de diplômés sur le marché de l’emploi.  » C’est du dumping éducatif « , pointe Théo Drakidis, conseiller budgétaire auprès du cabinet Marcourt. Pour toutes ces raisons, il n’y aurait donc pas d’autre choix que de limiter le nombre d’étudiants non résidents dans les facultés très prisées.

Majorité d’étudiants français

L’enseignement supérieur belge serait-il donc victime de son succès ?  » C’est une situation typique d’un petit pays au système très ouvert, très peu restrictif, à la frontière avec un grand pays au système fermé qui partage la même langue. L’Autriche est dans le même cas face à l’Allemagne « , poursuit Théo Drakidis. Car ce sont surtout les étudiants français qui sont visés par le décret. Obligés de passer des concours d’entrée sévères ou d’être admis sur dossier en France, ils viennent étudier en Belgique, où ils ne sont pas soumis à tant de restrictions. Une tendance facilitée par le système européen d’équivalences quasi automatiques, qui permet de faire ses études dans un pays et de travailler dans un autre. Pour des questions de langue, la Communauté néerlandophone ne connaît pas ce problème.

Mais Yves Roggeman nuance : le système de la Communauté française n’est pas  » trop ouvert « . Le problème des non-résidents trop nombreux ne touche qu’une série de cursus paramédicaux. Il n’est pas prévu pour l’instant d’étendre le décret à d’autres programmes de formation. Même si, dit-il, il est fort possible qu’il y ait aujourd’hui plus de 30 % d’étrangers dans les facultés de médecine belges. Selon lui, le véritable enjeu réside dans une meilleure orientation des futurs étudiants.  » C’est très bien que les étudiants puissent s’inscrire librement dans toutes les filières à la fin du secondaire, sans examen d’admission. Mais souvent, ils échouent, soit parce qu’ils ont mal évalué leurs capacités, soit parce qu’ils n’ont pas bien été informés sur les études. Il faudrait mieux les aiguiller.  » Le débat reste donc ouvert.

Par Valerie Gillioz (UCL)

On est obligé de limiter le nombre des étudiants pour pouvoir les former correctement

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