Quand Job se rebiffe

On dit que Job porte la contradiction à Dieu même. Que faut-il en penser ?

Françoise Langlet, BruxellesDans cette pièce de théâtre, ils sont sept personnages : Dieu, Job, quatre intervenants (qui lui font la leçon) et, brièvement, sa femme. Le thème est simple. Dieu, vantant devant Satan la conduite exemplaire de son  » serviteur Job « , se voit défier. Que le saint homme soit privé de tout, on verra s’il continue à L’honorer. Pari tenu, Job perd donc richesse, enfants et santé. Et ce dernier de se lamenter, sans blâmer Dieu pour autant. Viennent alors ses amis û plus un jeune dévot û qui soutiennent, comme sa femme, que ses malheurs prouvent que Job est un pécheur, hypocrite de surcroît. Et Job de se rebiffer. Il somme Dieu de se justifier. Celui-ci finalement le remet à sa place et Job de se repentir d’avoir douté :  » Oui, je me suis exprimé sur ce que je ne comprenais pas  » (Job, 42-3).

Pour s’imprégner de ce drame, il faut savoir que le judaïsme primitif ne connaît ni âme immortelle, ni rétribution post mortem. La prospérité, ici-bas, récompense la vertu. Il faudra attendre le retour des juifs de l’exil de Babylone pour qu’apparaissent les notions d’âme immortelle, de vie après la mort et de Messie.

Mais l’essentiel n’est pas là, il tient tout entier dans une double exigence de manifestation de la justice. D’une part, que le Seigneur omniscient, omnipotent et infiniment bon accorde à chacun son dû et, d’autre part, le cas échéant, qu’il soit possible de contester les décisions jugées arbitraires du Tout-Puissant.

Or, dans un monde où le mal l’emporte sur le bien, il faut comprendre l’importance de ce constat tragique. Puisqu’il n’y a pas d’au-delà pour compenser les maux d’ici-bas, comment se comportera le juste qui souffre ? Les amis de Job lui répondent, d’une part, qu’il paie pour les fautes qu’il a commises ; d’autre part, que nul ne peut déchiffrer la sagesse divine. Colère de Job ! Il met au défi quiconque de faire la preuve de sa mauvaise conduite. S’il en est ainsi, poursuit-il, je suis victime impuissante d’une injustice.  » Car Il n’est pas un homme comme moi pour que je Lui réponde et pour que nous paraissions ensemble en justice. Il n’existe pas d’arbitre entre nous « … (ibid., 9-32 et 33).

La réponse de Dieu est pour le moins curieuse. Il ne répond pas à l’interrogation de Job, il se contente de répondre en majesté irritée :  » L’Eternel répondit à Job au sein de la tempête  » (ibid., 38-1). Il met en regard sa puissance. Il ne répond pas à Job. Aussi, pour terminer une affaire aussi mal embarquée, Dieu restitue tous ses biens à Job… mais la question centrale n’a pas reçu, fût-ce un début, de réponse. Et aujourd’hui encore.

jean nousse

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