Quais du polar : le lieu du crime

Lors de sa récente 12e édition, le festival lyonnais s’imposait définitivement comme le plus grand et le plus réussi du genre, représentatif de ses grandes tendances : 130 auteurs y étaient invités, issus de 22 nationalités différentes.

Il n’y a qu’à Lyon, et seulement pendant trois jours, au début du mois d’avril, que l’on peut connaître pareil enchaînement : prendre un taxi en compagnie de David Lagercrantz (l’auteur suédois du quatrième tome de Millénium), fumer une clope avec le Français Caryl Férey au sortir d’un restaurant, tailler le bout de gras sans chichi avec l’Américain Craig Johnson ou l’Italien Giancarlo De Cataldo, et puis attendre son train de retour en compagnie de Franck Thilliez. Entre-temps, ce sont des dizaines d’auteurs de romans policiers, thrillers, romans noirs ou polars que l’on aura croisés, écoutés ou regardés signer leurs livres en masse, dans ce qui est devenu le rendez-vous incontournable, à la fois énorme, populaire et familial, des amateurs et des professionnels du genre. Pour sa 12e édition, le festival Quais du polar a encore enfoncé le clou de son succès : 80 000 visiteurs (en augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente), 200 rendez-vous culturels gratuits et polardeux disséminés dans la ville, plus de 130 auteurs venus du monde entier, mais aussi 35 000 livres vendus sur place en trois jours, grâce à des tables de vente et de dédicaces tenues par des libraires passionnés plutôt que par des éditeurs blasés. Des chiffres à faire pâlir d’envie d’autres festivals plus généralistes et soi-disant mieux installés : dix jours plus tôt, le Salon du livre de Paris affichait, lui, une fréquentation en baisse de 15 %… Un festival français qui a également confirmé l’internationalisation définitive du genre : parmi les 130 auteurs invités, moins de la moitié étaient français. Et des Français qui tiennent de moins en moins en place.

Littérature babylonienne

Les conférences et rencontres proposées par le festival furent à l’image du polar,  » cette littérature globale et babylonienne  » qui défie désormais les clichés et les nationalités. Si les éditions Rivages ont convoqué, lors d’une conférence, les écrivains Pascal Dessaint, Michaël Mention et Hervé Le Corre pour prouver qu’elles publiaient, aussi, des auteurs français, bien d’autres rendez-vous ont mis en lumière (inconsciemment ou non) le caractère désormais mondial de cette littérature. En mettant, par exemple, en avant des auteurs de la francophonie plus que de la France (les conférences  » Polars de la francophonie  » ont attiré la foule, autour d’auteurs belges, québécois, suisses ou gabonais), ou des auteurs français sous influence soit directement américaine (Frédéric Andréi, Alexis Aubenque, Jérémy Fel ou Frédéric Jaccaud placent tous leurs intrigues aux Etats-Unis) soit plus globale (Caryl Ferey cartonne en librairie avec des récits se situant en Afrique du Sud ou au Chili, comme son dernier Condor ; Olivier Truc, installé à Stockholm, est presque devenu un écrivain nordique, DOA écrit sur le peuple pachtoune, même le très moderne Sébastien Raizer, nouvelle perle de la Série noire, vit au Japon). Le polar franco-français semble, lui, délaisser les décors urbains pour retrouver ses racines rurales : Franck Bouysse, Sandrine Collette, Benoît Minville ou Antonin Varenne renouent avec le néopolar français qui faisait rimer littérature policière et critique sociale. Au risque, si risque il y a, de multiplier les livres régionalistes dans une littérature-monde désormais hétérogène.

Olivier Van Vaerenbergh, à Lyon

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