Prophète en son pays… et ailleurs ?

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Pour la toute première fois, le cinéma français a trouvé plus de spectateurs à l’étranger que sur le sol national. Phénomène exception-nel ou esquisse d’une tendance ?

De notre envoyé

spécial à Paris

Pour les journalistes comme pour les distributeurs, les Rendez-Vous organisés en janvier par Unifrance, l’organisme chargé de la promotion à l’étranger du cinéma français, sont une occasion de plus en plus marquante de prendre le pouls d’une cinématographie restée majeure en Europe et dans le monde. Par sa quantité (240 films produits l’an dernier) comme par sa diversité, la production française continue à s’imposer comme une référence face à la domination nord-américaine. Elle a vu sa lutte pour l’exception culturelle renforcée par l’adoption, à la conférence générale de l’Unesco, d’une convention  » sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles  » instituant, en principe, la possibilité pour les Etats de soutenir la création artistique.

Lors des récents Rendez-Vous, 170 films étaient proposés aux 110 journalistes et 360 distributeurs venus de 45 pays, et une foule de chiffres ont été mis à leur disposition. Certaines statistiques méritent l’attention, comme celle qui dénombre – pour la toute première fois – plus de spectateurs à l’étranger (73,6 millions) qu’en France (64,8 millions) pour le cinéma français. Conséquence d’une hausse de 49 % du nombre de tickets vendus dans le reste du monde pour des films made in France, l’heureux et surprenant constat doit beaucoup au film animalier de Luc Jacquet La Marche de l’empereur (16,2 millions d’entrées pour 1,8 million seulement en France) et au doublé gagnant des films d’action réalisés par Louis Leterrier, Le Transporteur 2 et Danny The Dog (11 et 6,6 millions de spectateurs respectivement). La Marche de l’empereur a d’ailleurs détrôné Le Cinquième Elément, de Luc Besson, pour devenir le film frenchie le plus vu aux Etats-Unis !

Diversité renforcée

En voyant les nouveaux films appelés à sortir au premier semestre 2006, et sur lesquels nous reviendrons bien évidemment, en découvrant aussi la liste des 30 présélectionnés pour les césars des révélations masculines et féminines de 2005, on ne pouvait que remarquer l’émergence de plus en plus spectaculaire de sujets et d’interprètes  » issus des minorités visibles « , comme dit le langage politiquement correct. Blacks et beurs – surtout – viennent en nombre confirmer, si besoin était, que le cinéma, comme le sport, se situe en pointe dans la reconnaissance, bien trop mesurée ailleurs, des talents des enfants et petits-enfants de l’immigration. La diversité ne cesse de gagner du terrain dans les films français, dans des coproductions aussi, où se remarquent des projets liés à l’Afrique du Nord.

Une autre tendance se signalait, moins heureuse, qui voit l’influence de la télévision sur le cinéma s’accentuer de façon parfois étonnante. Plusieurs acteurs, réalisateurs et agents nous confirmaient qu’un des éléments favorables au financement d’un film était désormais le fait qu’on mette au générique des comédiens  » passant bien  » dans les émissions de plateau à la mode animées par les Fogiel, Cauet, Arthur et consorts. Avant même d’en tourner le premier plan, le service après-vente des films sur le petit écran prendrait le grand en otage ! De quoi faire réfléchir dans un contexte où les succès à l’étranger ne peuvent masquer un essoufflement local. Le nombre d’entrées réalisé par le cinéma français en France a baissé de 14,1 % en 2005 par rapport à l’année précédente, selon les chiffres fournis par le Centre national de la cinématographie. Certes 2004 avait marqué, juste après 2001, un sommet de fréquentation pour l’actuelle décennie. Mais on ne s’en interroge pas moins sur les meilleures solutions à apporter pour maintenir un cap favorable. Une d’entre elles est, d’évidence, le développement des échanges internationaux, comme le soulignait le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres lors de son discours prononcé dans le fastueux foyer de l’Opéra de Paris, dirigé par le Belge Gérard Mortier.

Louis Danvers

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