Printemps arabe, été meurtrier

DE TUNIS À DAMAS, DU CAIRE À SANAA, LES JEUNES – pour la plupart – opposants aux dictatures du monde arabo-musulman continuent de revendiquer, manifester et lutter pour un avenir meilleur. Six mois se sont écoulés depuis le sacrifice du jeune Mohammed Bouazizi à Sidi Bouzid, cinq depuis l’éviction du pouvoir du président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali. Après ce premier coup de semonce, qui aurait pu prédire la contagion que l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient ont connue ? Le printemps arabe a bien eu lieu. Mais son issue reste incertaine.

Le bilan qui peut en être tiré aujourd’hui est forcément aléatoire et incomplet. Révoltes  » réussies  » – sous réserve de restauration – en Tunisie et en Egypte. Révoltes contenues – ou comprises ? – en Algérie et dans les monarchies (Maroc, Jordanie, du Golfe).  » Révolte-bain de sang  » en Syrie.  » Révoltes-guerres civiles  » en Libye et au Yémen. Révolte matée à Bahreïn… D’ores et déjà, le coût humain de cette aspiration à la liberté est lourd. Hors conflit libyen, quelque 3 000 Mohammed Bouazizi ont payé de leur vie le combat pour le changement.

La confrontation entre les rebelles de Benghazi et les troupes de Kadhafi pourrait multiplier par quatre ce tribut. Le soutien militaire occidental aux premiers était-il opportun ? A l’entame de  » l’Aube de l’odyssée « , nul n’ignorait qu’un conflit de longue durée amplifierait le flot des doutes et des critiques. Trois mois après les premiers bombardements sur Tripoli, les stratèges de l’Otan croient percevoir les indices de l’effondrement prochain du régime. La prédiction est opportune : les militaires commencent à trouver l’engagement un peu dispendieux. Pour autant, cela n’en fait pas une vérité annoncée.

Mais pourquoi faire la guerre à Mouammar Kadhafi et pas à Bachar al-Assad ? Interrogation d’autant plus légitime que la communauté internationale reste indifférente, à Deraa, à une répression qui, redoutée à Benghazi, avait été brandie pour agir dans l’urgence en Libye. C’est cependant ignorer que la politique internationale se moque de l’égalité de traitements et qu’elle succombe plus facilement aux exigences de la realpolitik qu’aux sirènes de la cohérence. Autant la Libye était isolée au sein du monde arabe et négligeable sur un plan stratégique, autant la Syrie dispose de puissants alliés et d’un important pouvoir de nuisance régional. Résultat implacable : le principe de  » responsabilité de protéger les civils  » peut être invoqué à l’ONU en mars et oublié en mai. Pensez donc : échaudés par le précédent libyen, Russes et Chinois vont jusqu’à s’opposer désormais à une simple  » condamnation de la répression en Syrie « . Or cette répression, pourtant à huis clos, révèle l’extrême violence du régime de Damas, capable de torturer des enfants pour soumettre des parents. A partir de quel degré d’horreur des pressions autres que cosmétiques s’imposeront-elles ?

Diagnostic du printemps arabe, version Conseil de sécurité : l’été sera donc meurtrier. Une fois les révoltes abouties, il sera toujours temps pour les diplomates de Washington, Londres ou Paris de venir au secours des démocrates rescapés et… de s’alarmer de la récupération de la belle révolution arabe par les islamistes.

Le régime de Damas est capable de torturer des enfants pour soumettre des parents

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