Pourquoi si longtemps ?

On reste perplexe devant l’inertie des autorités face au développement d’un courant extrémiste dont, a posteriori, on mesure mieux les effets négatifs sur le plan de la sécurité et de la cohésion sociale. La question du lien de cause à effet entre l’expression d’une opinion radicale et le passage à l’acte est impossible à trancher. En revanche, sans idéologie motrice, pas de terrorisme ou de gangstéro-islamisme ni même de repli identitaire qu’on observe dans certains quartiers où la condition de la femme semble reculer de plusieurs siècles. L’emprise wahhabite sur l’islam populaire ou l’influence des Frères musulmans sur les élites méritent qu’on se préoccupe aussi de leurs idées, pour les discuter ou les combattre. Certes, la justice a traité en temps et lieu les activités qui tombaient sous le coup de la loi. Grâce à la Sûreté de l’Etat et à la police fédérale, des complots menaçant la Belgique ou des pays voisins ont pu être déjoués. Mais la zone grise du radicalisme musulman est restée en dehors du champ d’intervention des autorités. Parce que la Belgique est très fière de ses droits et libertés constitutionnels. Parce qu’elle ne veut pas prendre le risque, y compris électoral, de stigmatiser une religion ou une population en dénonçant ses extrémistes. Parce que, sur le plan policier, il est parfois utile, plutôt que de brouiller l’eau du marigot, d’observer des individus qu’on a ensuite une chance raisonnable de faire condamner par la justice. Enfin, parce que la croyance dans les vertus naturelles de la démocratie dispense, croit-on, du courage. Résultat : la question est demeurée taboue. Il a fallu, en 2001, un rapport du Comité de contrôle des services de renseignement pour que la réalité, bien connue des services, émerge honorablement, sans relents xénophobes ou d’extrême droite.

Surveillé depuis 1997

Mais de là à ce qu’une réaction s’organise… En 2002, en réponse à une question parlementaire du sénateur Georges Dallemagne (CDH), le ministre de la Justice, Marc Verwilghen (VLD), déclarait que le Centre islamique belge de Molenbeek était surveillé par la Sûreté de l’Etat depuis sa création, en 1997, et que le parquet était tenu informé de ses activités suspectes.  » Laissons faire la justice « , disait-il en substance. En 2004, les dérapages du site Assabyle. com ont suscité le dépôt – resté sans suite – d’une proposition de loi d’Alain Destexhe (MR) et Anne-Marie Lizin (PS) visant à réprimer l’incitation ou l’apologie du terrorisme, comme en France et en Espagne. La législation qui aggrave les peines pour les infractions terroristes et le mandat d’arrêt européen, adoptés en vertu d’une décision cadre de l’Union européenne, ont renforcé l’arsenal répressif. Enfin, malgré trois ans d’atermoiements, le gouvernement Verhofstadt II a fini par avaliser, en 2005, un plan d’action contre le radicalisme qui, sans s’écarter de la légalité, entend s’en prendre plus fermement à ces  » prêcheurs de haine  » traités, jusqu’à présent, par le déni ou le désintérêt. l

M.-C.R.

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