Pour les progressistes,  » la marmite bout par le fond « 

Quelle place encore pour les chrétiens progressistes ? Pas vraiment en odeur de sainteté au Vatican, ils tentent de faire évoluer l’Eglise à leur manière : plus ouverte et moins cléricale.

Main tendue aux intégristes, rapprochement avec les anglicans les plus conservateurs, propos négationnistes de Mgr Williamson… Les chrétiens d’ouverture avalent toutes sortes de couleuvres ces temps-ci. En Belgique, on ne les entend guère : seraient-ils rayés de la carte ecclésiale ?  » Trompe-l’£il, réagit l’écrivain et théologien Gabriel Ringlet. De multiples signes m’indiquent qu’une majorité de chrétiens souhaitent l’ouverture. Tous les jours, j’en reçois la preuve, y compris de personnes très âgées. Sur les grandes questions éthiques par exemple, je suis frappé par le souci d’un dialogue pluraliste. Beaucoup de communautés chrétiennes sont vivantes et dynamiques.  » Pourquoi la perception s’avère-t-elle différente ?  » Le conservatisme et même l’intégrisme ont beaucoup changé dans la forme, répond Gabriel Ringlet. Leurs adeptes ont appris les règles de la séduction et savent communiquer, par exemple dans des courriers de lecteurs très organisés.  » Plus fondamentalement, la  » croisade eucharistique  » menée par les intégristes, au nom d’une vérité forcément unique, rend quelque peu inaudibles ces chrétiens adeptes du dialogue et de la concertation.

Ceux-ci ne cachent pas leur dépit face à la ligne vaticane :  » Cela ne s’arrange pas !  » résume Pierre Collet. Cet ancien prêtre coordonne le Paves (Pour un autre visage d’Eglise et de société), le réseau qui, depuis l’affaire Gaillot en 1995, rassemble les groupes catholiques progressistes en Belgique francophone.  » Dans nos communautés de base, on ne croit plus trop au dialogue avec l’institution romaine, admet Pierre Collet. A vrai dire, on ne s’en préoccupe plus vraiment. Notre combat se situe désormais à la base, dans nos paroisses autogérées.  » Même son de cloche chez Jean-Claude Brau, aumônier national de la CSC :  » Les querelles de sacristie, comme la liturgie en latin, n’ont guère d’intérêt pour nous, sauf si en arrière-plan se profile le retour à des positions réactionnaires qui exigent une riposte, souligne-t-il. Mais le fait est là, de plus en plus de chrétiens prennent leurs distances par rapport à la hiérarchie, de façon individuelle ou collective. Les encycliques n’ont même plus d’impact. Le fossé devient tel que tout tombe dans l’indifférence.  » Dur constat !

Les progressistes n’ont pourtant pas abandonné leurs positions.  » La marmite bout par le fond, compare Jean Legein, coordinateur du groupe  » Démocratie dans l’Eglise « , un des membres du Paves. Nous restons de fervents partisans de Vatican II, tout en militant pour une culture du débat. C’est la base qui fera avancer l’Eglise.  » En attendant, des chrétiens s’investissent dans d’autres combats, par exemple sur les réponses à apporter aux logiques financières. Voilà qui réjouit Gabriel Ringlet :  » La crise va remettre au premier plan les questions de solidarité, prédit-il. Fini de se regarder le nombril ecclésial ! Il s’agira de remettre l’Evangile en pratique. Et cela a toujours été le fait des courants les plus progressistes.  » Selon lui, le réveil d’une Eglise beaucoup moins cléricale est déjà perceptible, à l’image du succès en France du livre d’Albert Rouet, l’évêque de Poitiers, intitulé J’aimerais vous dire (Bayard). Gabriel Ringlet place aussi beaucoup d’espoir dans la  » conférence des baptisé(e)s « , née en France et prompte à essaimer en Belgique, et qu’il définit comme  » des hommes et des femmes progressistes, sereins mais très déterminés à faire appliquer le concile Vatican II « .

FRANÇOIS JANNE D’OTHÉE

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