Pour le plaisir

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Alain Chabat s’est allié aux Robins des Bois pour une comédie préhistorique au titre ronflant, RRRrrrr ! ! !, mais qui n’ambitionne pas le triomphe commercial d’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre

(1) On se précipitera sur L’Intégrule, le double DVD tout récemment paru (et déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires en France !), qui résume, en un peu plus de trois heures, la phénoménale carrière télévisée des Nuls.

(2) Epatant en sosie de Michel Polnareff, dans le drôlissime Podium, avec Benoît Poelvoorde, qui sortira chez nous le 11 février.

A moins de 29 millions de spectateurs, c’est-à-dire le double du public de Mission Cléopâtre, le film sera un échec. Je crains donc que ce soit un échec…  » L’autodérision qu’aime pratiquer Alain Chabat lui vient bien à point pour dédramatiser les craintes liées au sort que les spectateurs réserveront à RRRrrrr ! ! !, la nouvelle comédie qu’il vient de réaliser en pleine complicité avec la troupe des Robins des Bois. Un film carrément préhistorique et diablement sympathique, dont le rythme relâché et l’effet hilarant nettement moins frénétique ne devraient pas lui permettre de rééditer la moisson à vrai dire exceptionnelle engrangée par le second Astérix et Obélix.

C’est en tant que producteur potentiel que Chabat fut initialement contacté par les Robins des Bois. Son ex-complice des Nuls (1), Dominique Farrugia, devait produire le premier long-métrage de la troupe connue pour ses sketchs en scène et au petit écran. Mais, bombardé directeur de Canal +, Farrugia fit appel à son ami Alain pour le remplacer. Chabat accepta, et ne refusa pas non plus de réaliser le film lorsque la fine équipe des Robins le lui proposa, peu après. La bande formée de Maurice Barthélemy, Marina Foïs, Elise Larnicol, Pef Martin-Laval, Jean-Paul Rouve (2) et Pascal Vincent ne pouvait trouver meilleur complice pour écrire avec eux, et ensuite mettre en images, la comédie préhistorique mâtinée de thriller dont ils avaient le projet.

Une affaire de shampooing

Ce n’est pas la guerre du feu que narre RRRrrrr ! ! !, mais celle du… shampooing, qui oppose la tribu des Cheveux propres (qui en détiennent jalousement le secret) et celle des Cheveux sales (qui sont prêts à tout pour s’en emparer). A ce conflit de départ s’en ajoutera un autre, le sorcier des premiers nommés s’avisant de commettre le tout premier crime de l’humanité, un meurtre gratuit qui en appellera d’autres, tandis que sera déclenchée la première enquête policière de tous les temps… Cette double situation au potentiel comique certain fait l’objet d’un traitement visuel efficace, Chabat ayant acquis une maîtrise sûre de la réalisation. Il se signale notamment par le choix de décors naturels superbes (trouvés en bonne partie au Larzac), et celui d’un format  » scope  » dont la largeur, explique le cinéaste,  » semblait convenir idéalement pour un film où il s’agissait de suivre un groupe plutôt que des individus pris séparément « . Placés par leur metteur en scène dans un espace XXL où leur expérience de la scène pouvait se transposer sans mal, les Robins des Bois purent donner libre cours à leur inspiration. On ne saurait affirmer que le passage du court (les sketchs) au long (un film d’une bonne heure et demie) s’est fait, lui, sans douleur. L’humour des Robins, volontairement cornichon et volontiers minimaliste, tient difficilement la distance du long-métrage. Et si RRRrrrr ! ! ! n’est pas vraiment RRRrrrraté, il n’amuse pas autant que les deux premières réalisations de Chabat, le délectable Didier et le spectaculaire Mission Cléopâtre. Mais l’ami Alain ne fait pas mystère des saines raisons qui l’ont poussé à répondre à l’appel des Robins et de leur comédie préhistorique :  » Tourner très vite un film plus léger dans la logistique et moins chargé de pressions (vu le budget et l’attente) que Mission Cléopâtre et, surtout, prendre du plaisir avec des gens que j’aime vraiment bien.  »

La vision du film rend en effet sensible, et en partie communicatif, ce plaisir pris à  » faire des conneries ensemble « , à affubler par exemple les animaux les plus divers (et même d’été) de défenses à la manière des mammouths. Ou à nommer tous les personnages Pierre, l’épo- que décrite par RRRrrrr ! ! ! étant l’âge du même prénom. Ou encore à entraîner des  » non-Robins  » comme Gérard Depardieu et Jean Rochefort dans l’aimable délire d’une entreprise heureusement dénuée de tout sérieux, où personne ne craint le ridicule.  » Ne pas avoir peur de passer pour débile est tout de même une base indispensable pour être comédien !  » s’exclame un Chabat que le succès fou de Mission Cléopâtre n’a pas le moins du monde figé dans quelque attitude hautaine ou calculée. L’homme, comme l’artiste, reste éminemment simple et sympathique, dépourvu de cette méchanceté palpable qui habite (mais oui !) nombre de vedettes comi- ques, et pas des moindres…

 » J’aime tout dans le cinéma, explique-t-il, même s’il m’arrive d’être un peu tendu lorsque je dois passer devant la caméra pour jouer, tout en assumant la réalisation du film. Ce cumul me gonfle parfois un peu, mais ce n’est rien en regard du bonheur pris à faire d’abord le film dans sa tête, à imaginer les décors, les costumes, les effets spéciaux, à rêver pour que ce rêve donne vie au spectacle, avant même que le tournage commence. J’adore ce travail en amont, où tout est possible et où les idées les plus folles peuvent s’exprimer. La réalité, budgétaire notamment, vient évidemment s’en mêler, mais elle n’empêche jamais de maintenir ses priorités. Pour RRRrrrr ! ! !, les essais de prothèses dentaires faits en France s’avérant désastreux (les acteurs étaient incapables de parler une fois les fausses dents posées !), nous sommes allés chercher les meilleurs pros dans ce domaine en Angleterre, et le supplément de coût – élevé – a été résorbé en sacrifiant certaines idées moins importantes que cet élément, jugé par nous tous absolument crucial.  »

Quel que soit l’accueil critique et surtout public réservé à son nouveau film, Alain Chabat conservera  » un souvenir merveilleux du travail avec les Robins, je dis bien travail car, s’ils savent déconner, ce sont aussi de gros bosseurs. Je n’avais jamais vu, même au temps des Nuls, des gens capables de passer le plus clair de leur temps à dire et à faire des conneries, tout en étant simultanément ponctuels, disponibles, précis et disciplinés « . L’avenir ? Il passera peut-être par ce scénario mystérieux, entrepris voici plusieurs années et que Chabat continue à écrire… sans pouvoir le conclure.  » A se demander si ce projet chéri ne me sert pas seulement, avec les difficultés qu’il me pose et ce pouvoir qu’il a de me ramener ensuite à lui, de prétexte à accepter d’autres propositions,  » en attendant « …

Louis Danvers

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