Pour la beauté du geste

Les premières gelées nocturnes annoncent généralement la reprise des compétitions extérieures de patinage de vitesse. Un spectacle superbe, auquel la Belgique participe plus qu’on ne pourrait le croire

Dans la campagne frisonne, sous les vents glacés de la mer du Nord, aux Pays-Bas, des experts emmitouflés s’adonnent quotidiennement, depuis la récente arrivée du gel, au curieux rituel du mesurage de la glace. Un brin archaïque, leur labeur revêt, là-bas, une importance considérable,puisque l’annonce d’une épaisseur de glace de 15 centimètres déclenche, dans l’instant, l’ouverture des canaux aux patineurs du dimanche et, dans la foulée, le début des compétitions outdoor de patinage de vitesse.

A ce stade de la saison hivernale, il est encore beaucoup trop tôt pour savoir si la splendide randonnée Elfstedentocht, reliant 11 villes septentrionales des Pays-Bas sur 200 kilomètres de canaux, pourra satisfaire, cette année encore, les quelque 16 000 patineurs de vitesse qu’elle attire à chaque occasion. Mais les fanatiques de sports sur glace frétillent déjà. Car, chaque année, les courses en extérieur couronnent les efforts effectués par les patineurs en piste couverte, de l’automne au printemps. Et elles enchantent les promeneurs.

Sport olympique depuis 1992, pourtant encore méconnu, le patinage de vitesse constitue, en effet, l’un des sports les plus élégants qui soient, a fortiori dans un cadre bucolique. Sous l’apparence d’une simple glissade, il exige en réalité une position d’équilibre parfaite, une souplesse inouïe, l’adoption d’un impeccable mouvement de balancier et, pour accélérer le passage des courbes, des croisements de jambes hautement risqués. Majestueusement installés sur des lames de 38 à 45 centimètres de longueur, les patineurs de compétition atteignent une vitesse moyenne de 50 à 60 km/h. De quoi justifier la présence d’épais matelas en bord de piste: à la moindre déroute, l’impact s’apparente à celui d’une chute verticale de 10 mètres de haut.

Vue sous cet angle, la multiplication des manifestations en patinoires prend tout son sens. A l’origine, cependant, elle répondait davantage à la nécessité de doter ce sport « nouveau » d’installations fiables, quasi permanentes – la plupart des patinoires ferment néanmoins de mai à septembre – et conformes aux normes internationales. Pour le plus grand bénéfice de nombreux pays, dont les rivières et canaux ne réunissent pas toutes ces qualités.

Ces limites spatiales ont conduit la fédération internationale de patinage de vitesse (ISU) à distinguer deux disciplines: le short track, et son éventail de compétitions (500 m, 1 000 m, 1 500 m, 3 000 m et 5 000 m) courues « en groupes » sur des pistes de 111 mètres, et le long track, dont les épreuves se déroulent sur des pistes ovales de 400 mètresà deux couloirs seulement, et qui comporte également une course exclusivement masculine sur 10000 mètres. Les marathons, de 50 à 60 km, utilisent ces mêmes longues pistes, souvent adjacentes aux terrains de hockey, ou, mieux encore, des canaux.

Toutes ces exigences sembleraient, à première vue, défavoriser la Belgique dans la préparation des compétitions internationales, par rapport au Canada, à la Russie ou à la Scandinavie, qui ont rejoint les Pays-Bas à la tête des classements. Pourtant, la Fédération royale belge de patinage de vitesse regroupe une dizaine de clubs, dont un en Wallonie, avec plus de 300 membres. En hôte reconnu, Louvain vient d’accueillir une épreuve du championnat de short track, alors que Bruges s’y prépare pour l’épreuve de février prochain. Enfin et surtout, des graines de champions belges évoluent au plus haut niveau de la compétiton. Le short track a donc bien permis à un plus grand nombre de nations, dont la Belgique, d’entraîner des athlètes en vue de compétitions internationales. Et, pour les amateurs belges de longues pistes privés d’installations propres, le complexe d’Eindhoven n’est pas fort éloigné.

C’est d’ailleurs aux Pays-Bas que réside et s’entraîne le Brugeois Wim De Deyne, classé septième à l’épreuve des 500 mètres short track lors des Jeux olympiques de Salt Lake City, en 2002. Son compagnon limbourgeois, Simon Van Vossel (aujourd’hui blessé), a opté pour le Canada. Mais ils portent le drapeau belge au-delà des frontières. Dans un geste tout simplement beau.

Carline Taymans

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