Portraits de familles

Xavier Attout

OTTIGNIES Les du Monceau de Bergendal, cofondateurs de Louvain-la-Neuve

Que pèse encore la famille du Monceau de Bergendal, l’une des plus emblématiques d’Ottignies-Louvain-la-Neuve ? Bien moins qu’avant, pourrait-on écrire. Il ne reste pratiquement plus rien du groupe GIB, l’ancien mastodonte belge de la distribution géré par les familles Vaxelaire et du Monceau. Si les différentes enseignes (Quick, GB, Auto 5, Brico…) sont encore visibles sur le territoire belge, le groupe a été complètement démantelé à l’aube des années 2000, plombé par les contre-performances de l’une ou l’autre de ses activités (GB en tête). Les familles actionnaires (Vaxelaire et du Monceau), qui détenaient encore 15 % des parts, auraient empoché 155 millions d’euros dans l’aventure.

La famille du Monceau de Bergendal entre dans le cercle fermé des grandes familles belges par le biais du mariage de Rainy Vaxelaire (soeur de Raymond et François, petits-enfants du fondateur) et d’Yves du Monceau. Ce dernier, décédé l’an dernier, était la figure emblématique de la famille. Directeur et président de GIB, il se lancera ensuite en politique où il deviendra sénateur et bourgmestre d’Ottignies (1959-1989). Il est considéré, avec Michel Woitrin, comme le père fondateur de Louvain-la-Neuve puisque ce sont eux qui ont saisi l’opportunité de lancer la construction d’une ville universitaire au milieu des champs.

Le couple avait quatre enfants : Diégo, Diana, Yolande et Cédric. Diégo du Monceau, dernier directeur du groupe GIB, est administrateur de plusieurs fonds d’investissement – JP Morgan Fund, Altai Invest, E-Capital Management – et siège également au conseil d’administration d’ING alors que Cédric du Monceau est échevin à Ottignies-LLN (lire ci-dessous).  » Notre influence est minime, lance ce dernier. Un exemple : à Ottignies et à Louvain-la-Neuve, il y a deux Delhaize et même pas de GB !  »

Cédric du Monceau, 44 ans, père de trois enfants, marche depuis 2006 sur les pas de son père. Il poursuit un second mandat comme échevin de l’Urbanisme. En 2018, suite au retrait programmé de la vie politique de Jean-Luc Roland, il tentera de se profiler comme candidat-bourgmestre.

L’homme a en tout cas déjà une belle carrière derrière lui. Ex de McKinsey, il a travaillé à la BERD (Banque européenne de reconstruction et de développement) et fut directeur du WWF France. Son nom de famille lui a également permis d’entrer au conseil d’administration de GIB, de la RTBF et de La Poste. Il a depuis quitté tous ces mandats.

WAVRE Les le Hardy de Beaulieu et le golf de la Bawette

C’est l’une des grandes familles libérales du Brabant wallon. Son parcours brabançon débute par le château de Fichermont (Lasne-Chapelle) et l’ancienne abbaye d’Aywières à Couture. En 1865, elle acquiert le château de la Bawette, sur les hauteurs de Wavre, toujours aujourd’hui entre les mains de descendants de la famille.  » Cette famille fut libérale, progressiste, maçonne et républicaine au XIXe siècle avant de devenir au siècle suivant pétrie de très fortes convictions chrétiennes et royalistes « , explique l’historien Eric Meuwissen.

Le député Jean-Adolphe le Hardy, qui fut le seul député habitant Wavre au cours du XIXe siècle, se signala par ses initiatives politiques en faveur du libre-échange. Il est l’un des plus illustres descendants.

Aujourd’hui, cette famille pèse encore de par son arrière-arrière-petit-fils, le directeur de l’Intercommunale du Brabant wallon, Baudouin le Hardy de Beaulieu. Sa fonction est un important levier de pouvoir au niveau économique. Il a également effectué une belle carrière politique (échevin, député provincial) et industrielle auparavant.

Enfin, le vicomte Jean le Hardy de Beaulieu est toujours présent sur les greens et dans les bureaux du golf de la Bawette. C’est lui qui habite encore le château.

JODOIGNE Les de Traux de Wardin ont réussi le virage de la modernité

Dans l’est du Brabant wallon, peu de familles pèsent aussi lourd que celle du comte Bernard de Traux de Wardin. Il faut dire que l’homme a su tisser sa toile : un volumineux carnet d’adresses, une sympathie naturelle qui en fait un homme apprécié dans tout Jodoigne et un bosseur qui mêle business et politique, ce qui lui a permis de réussir une belle reconversion.

Les de Traux de Wardin ont réussi le tournant de la modernité. Leur château et leur domaine de 350 ha ont été rénovés et sont régulièrement entretenus. Un exemple en la matière.  » J’y ai un attachement viscéral, j’y habite depuis 1977 « , expliquait-il lors d’une de nos dernières rencontres. Un château de Jodoigne-Souveraine qui est tombé dans l’escarcelle des de Traux de Wardin au milieu du XIXe siècle. Depuis lors, la famille occupe de père en fils le domaine et vit en connivence avec le village. L’arrière-grand-père, le grand-père et le père de Bernard de Traux de Wardin se sont d’ailleurs succédé dans le fauteuil de bourgmestre de Jodoigne-Souveraine. La fortune foncière familiale est l’héritage des Glymes de Hollebecque.

Mais le châtelain est surtout ouvert sur le monde. Il a fondé la firme pharmaceutique Omnichem (revendue à Ajinomoto), avant d’embrasser une carrière politique. Ce qui lui a permis de devenir échevin à Jodoigne et président de l’Intercommunale du Brabant wallon.

Son réseau de relations est énorme et sa voix porte haut. Il faut dire qu’il compte dans son entourage quelques amis qui font office de poids lourds. Le premier est le roi Albert II, un proche de longue date. Ils partent en vacances ensemble. Le dernier acte signé par le roi le concerne d’ailleurs : il lui a permis d’accéder au rang de comte. Autre relation importante : Louis Michel. C’est lui qui a présenté l’ancien ministre des Affaires étrangères à Albert II. La reconnaissance est donc grande et la famille Michel ne l’oublie pas. En homme organisé, le comte de Traux de Wardin a déjà réglé la question successorale. Ses cinq filles et son fils se partageront l’héritage d’une fortune familiale qu’il a fait fructifier par le biais de quelques investissements intéressants. Le château a par contre été sorti de la masse successorale : il reviendra à son fils, histoire de maintenir la lignée.

GREZ-DOICEAU Les Bauchau, châtelains d’Archennes

La famille Bauchau arrive en Brabant wallon en 1899 en droite ligne du Namurois. Elle s’installe dans le château d’Archennes. Cette famille s’est développée dans l’industrie brassicole et sidérurgique au XIXe siècle avant de s’épanouir dans la haute finance.

Le chevalier Pierre Bauchau, père de Sybille, l’actuelle bourgmestre, a restauré pendant de longues années le château acquis par son grand-père. Il a également reconstitué un vaste domaine foncier autour du château : la famille a compté jusqu’à près de 600 hectares de terres. Pierre Bauchau a été administrateur de nombreuses sociétés et vice- président de la banque Belgolaise. Il est décédé le 14 août 2014, à l’âge de 92 ans.

L’influence des Bauchau sur Archennes n’est pas négligeable. Elle s’est étendue sur le plan politique grâce à Sybille, qui réussit une belle carrière politique. Elle a été élue conseillère communale en 1988, devient échevine en 1995, bourgmestre en 2003 et monte à Namur comme députée régionale en 2009. Elle vient d’être élue à la Chambre des représentants. Son bras s’allonge donc au fil des années, de même que son réseau. Elle prend d’ailleurs de plus en plus de place dans la galaxie MR du Brabant wallon.

COURT-SAINT-ÉTIENNE Les Boël possèdent le foncier…

Ils ont encore aujourd’hui l’un des patrimoines fonciers les plus importants du Brabant wallon. Rassemblé sous la société anonyme Domanoy, le patrimoine de la famille Boël comprend près de 2 000 hectares et s’étend sur les communes de Court-Saint-Etienne, Mont-Saint-Guibert, Chastre, Villers-la-Ville et Genappe. Et au milieu de ces terres, quelques joyaux immobiliers dont le château du Chenoy. Si les Boël ont constitué leur fortune dans la sidérurgie du côté de La Louvière, l’essentiel de leurs terres est situé en Brabant wallon. A Court-Saint-Etienne plus précisément.

Tout démarre quand Gustave Boël achète en 1882 le château du Chenoy à la famille Mosselman, une riche famille de la région sur le déclin. Il va ensuite constituer un domaine de plus de 3 000 ha par le biais d’acquisitions bien réfléchies. Au fil du temps, quelques centaines d’hectares se perdront au gré des successions.

Aujourd’hui, Jacques Boël, père de Delphine (la fille supposée du roi Albert II) et arrière-petit-fils de Gustave Boël, habite dans le domaine de Beauregard, un parc de huit hectares situé à Court-Saint-Etienne, avec sa seconde épouse, Diane de Woot de Trixhe de Jannée, une descendante de Philippe le Beau.

Quant au château du Chenoy, une immense bâtisse de 140 pièces, qui donne sur un parc de 40 hectares, il date du XIIIe siècle et a appartenu aux moines de Villers-la-Ville, il est aujourd’hui habité par Nicolas Boël, le fils du comte Pol Boël, autre arrière-petit-fils de Gustave.

La famille est bien évidemment toujours un poids lourd de la vie économique belge. Elle est encore fort présente dans de nombreux conseils d’administration, dont celui de la Sofina, le holding familial, par le biais d’Harold et Nicolas Boël. Elle pèse par contre très peu en Brabant wallon.

Pourquoi ? Car son arrivée à Court-Saint-Etienne a été conditionnée par une sorte de pacte avec la famille Goblet d’Alviella, autre grand propriétaire foncier de l’entité : cette dernière occupera seule le pouvoir politique. Les Boël ont accepté la décision sans broncher, tout heureux de mettre la main sur un formidable domaine.

… et les Goblet d’Alviella le pouvoir

Les Boël et les Goblet d’Alviella se sont rapprochés par le biais du mariage en 1906 du comte Félix Goblet d’Alviella et de la fille du fondateur des Usines Boël, Eva-Ernestine. La famille ne possède plus qu’une partie des 450 hectares qui sont tombés dans l’escarcelle familiale suite à ce mariage. Jean Goblet a été bourgmestre de 1976 à 1990. Son fils Michael a repris le flambeau en 2000. Il est toujours au pouvoir. Son influence politique ne dépasse toutefois pas les frontières de sa commune.  » Il y a toujours eu une grande tradition politique dans la famille, explique Michael Goblet d’Alviella. Eugène (1846-1925) a par exemple été ministre et vice-président du Sénat. Nous avons ce sens du devoir et cette vocation de rendre service à la communauté.  »

Parmi les autres enfants de Jean Goblet d’Alviella, il y a aussi Patrick, Christine et Richard. Ce dernier, président honoraire de la Sofina, un holding financier lié aux familles Janssen et Boël, en a été le directeur pendant de nombreuses années. Depuis le décès de son père, il occupe le château des comtes Goblet d’Alviella, bâtiment néo-classique du XVIIIe siècle situé dans un superbe parc classé de 35 hectares, où l’Orne et la Thyle se rejoignent.

GENVAL Le lac et le château de la famille Martin

 » Nous sommes une famille discrète qui a simplement percé sur le plan économique. Et puis, surtout, nous sommes anglais. Ce qui nous donne un peu de recul par rapport à toutes ces grandes familles.  » John C. Martin, patron du groupe Martin’s Hotels, devenu aujourd’hui le premier groupe hôtelier familial belge et dont le principal joyau est le Château du Lac, hôtel 5-étoiles à Genval, est un homme modeste dans la réussite. Et qui n’a pas perdu, malgré les années passées en Belgique, son flegme tout britannique.

La famille Martin est pourtant une famille qui compte en Brabant wallon. Un exemple de grande famille bourgeoise industrielle. Son patrimoine foncier n’est pas négligeable puisque John Martin a racheté le Manoir des Templiers à Wavre (100 ha). Sur le plan économique, débarquée à Anvers il y a plus d’un siècle pour importer sur le continent des bières britanniques, la famille est aujourd’hui présente dans deux secteurs d’activités : l’hôtellerie et la brasserie. Elle est un important employeur de la province à travers ses différents hôtels (deux à Genval, deux à Waterloo et bientôt un nouvel établissement à Louvain-la-Neuve) et ses activités de distributeur de bières spéciales à Genval. Sans oublier le volet caritatif et associatif où John Martin soutient par exemple activement le festival international de musique de chambre Musica Mundi et d’autres associations telles que L’Enfant des Etoiles. Il possède également la ferme didactique de la Hulotte à Wavre.

Bref, l’homme est un mécène important et apprécié en Brabant wallon. Ce qui lui donne quelques leviers de pouvoir. Il pèse bien évidemment à l’échelon communal. Mais il aurait aussi d’importants relais à la Région wallonne. La restauration du château du Lac a par exemple été financée en partie par la Région. Au grand dam des propriétaires du château de Limette par exemple…

La troisième génération est aujourd’hui aux manettes. Anthony Martin (56 ans) pilote seul la société familiale John Martin et distribue et/ou brasse une série de marques de bières spéciales telles que Guinness, Gordon, Martin’s Pale Ale, Geneviève de Brabant, Timmermans, Waterloo, etc. Il vient de racheter la Ferme de Mont-Saint-Jean, à Waterloo, pour la transformer en brasserie.

Son frère John C. Martin (ils sont trois, avec Peter) s’occupe quant à lui du volet hôtelier. Il dirige avec succès neuf établissements éparpillés dans toute la Belgique. La succession semble assurée par le biais de l’un de ses deux enfants, John-John (27 ans).

Xavier Attout

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