PLAIDOYER POUR UN  » MOBILITY SHIFT « 

La réfection des tunnels bruxellois apportera-t-elle une solution durable à l’engorgement de la capitale ? Les experts consultés par Le Vif/L’Express sont persuadés du contraire et estiment que le moment est venu, pour la Région, d’élaborer une nouvelle vision stratégique de la mobilité à Bruxelles. Michel Hubert, professeur aux facultés universitaires Saint-Louis, plaide pour un scénario de sortie progressive du modèle hérité des Trente Glorieuses.  » Abandonner les grandes infrastructures réalisées pour l’automobile ne se décide pas dans l’urgence, admet-il. A l’instar de la sortie du nucléaire, ce  »mobility shift » passerait par des étapes intermédiaires et s’accompagnerait d’un plan d’investissement massif dans les transports collectifs urbains.  »

L’expert en mobilité ne se fait pas d’illusions :  » Pour l’heure, le gouvernement bruxellois cherche à sauver la face, à montrer qu’il est à la hauteur du défi. Il se contente d’affirmer que les risques sont sous contrôle dans l’ensemble des tunnels et que la Région financera elle-même leur rénovation. Il devrait plutôt repenser le plan régional de mobilité. Ce plan devrait intégrer le boom démographique à Bruxelles, la crise économique, l’évolution des modes de travail en ville et les relations avec la zone métropolitaine.  » Bruno de Lille, ex-secrétaire d’Etat bruxellois à la Mobilité (Groen), prévient :  » Si on ne prend pas le temps de bien réfléchir à ce qu’on va faire, ce sera la catastrophe. Rénover les tunnels, c’est repartir pour trente ans de tout-à-la-voiture, avec des coûts énormes à la clé pour les prochains gouvernements.  »

Le gouvernement bruxellois a renoncé au projet de tunnel routier sous la place Meiser, l’un des points noirs de la capitale.  » Cette décision marque déjà un tournant dans la politique régionale de mobilité « , souligne Michel Hubert. Le gouvernement de Rudi Vervoort n’a pas pour autant abandonné le projet de remettre en état le tunnel Léopold II, le plus long de Belgique. A peine trentenaire, il a vieilli prématurément. Pour financer sa rénovation, la Région compte recourir à un partenariat public-privé, afin de ne pas devoir débourser 150 millions d’euros à court terme. L’entreprise se chargerait de la reconstruction et de la maintenance. Coût pour la Région : 22 millions d’euros par an pendant trente ans, soit 660 millions au total. La piste d’un financement des grands travaux par le privé ne convainc pas nos experts :  » Des études montrent que c’est toujours, in fine, une arnaque pour les pouvoirs publics, déclare Frédéric Dobruszkes, de l’ULB. Les risques sont pour eux et les bénéfices pour le privé. Le coût de l’ouvrage s’avère nettement supérieur à ce que la Région aurait dû débourser avec un emprunt bancaire.  »

Le ministre régional de la Mobilité, Pascal Smet (SP.A), avoue que la décision de rénover le Léopold II a été prise  » sans grande envie « . Jacques Teller, professeur d’urbanisme et d’aménagement du territoire à l’ULg, commente :  » Les acteurs bruxellois sont aujourd’hui contraints de réinvestir dans les tunnels alors qu’ils n’y croient plus ! La réflexion sur l’avenir de ces infrastructures et sur les nouvelles priorités d’investissements aurait dû être entamée il y a dix ou quinze ans. « 

O. R., avec L. v. R. et C. L.

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