Pietragalla à l’heure du numérique

Barbara Witkowska Journaliste

La chorégraphe et danseuse ainsi que son complice Julien Derouault nous régalent avec M & Mme Rêve, une création où la haute technologie se donne corps et âme à la poésie. Magique !

Les expériences scéniques numériques se répandent comme une traînée de poudre. Vraie nécessité ou juste une coquetterie pour être dans le coup ? Marie-Claude Pietragalla, créatrice avec Julien Derouault du Théâtre du Corps, a choisi son camp.  » Ce n’est pas la première fois que le numérique s’invite sur scène, dit-elle. Mais nous voulions que la haute technologie soit au service de l’artistique. L’image a une résonance au niveau artistique, ça raconte le propos, ce n’est pas gratuit. La danse est là pour être mise en exergue et en relief. C’est un spectacle total.  »

Loin d’être une concession à la modernité, l’irruption du virtuel dans M & Mme Rêve fait naître sur scène une poésie insoupçonnée. Pietragalla et Derouault évoluent dans une forêt d’images époustouflantes, dans un monde où les frontières entre le réel et le virtuel disparaissent.  » On a souhaité s’inspirer d’Eugène Ionesco et proposer une réponse très contemporaine à ses textes, poursuit la chorégraphe. Nous avons inventé une histoire autour de deux personnages, un couple gémellaire très identifiable. Le couple est une dominante chez Ionesco, on le trouve dans La cantatrice chauve et dans Les chaises. Les personnages, échappés de l’imaginaire de leur auteur, revisitent leur vie, réinventent les différentes saisons de leur histoire, s’interrogent sur le temps qui passe, sur l’amour, sur les mots dénués de sens. On est dans un univers surréaliste et dans le théâtre de l’insolite. Pas dans le théâtre de l’absurde, j’insiste, Ionesco détestait ce terme !  »

Un impressionnant décor numérique est déployé pour encadrer et rendre effective cette notion de surréalisme et de décalage. Tout devient possible ! Les sols se dérobent, les meubles s’écroulent, on voit un danseur en apesanteur, un autre qui se démultiplie, son double en miroir… Pietragalla et Derouault dansent dans le cosmos, nagent au milieu des mots, assistent à une chorégraphie de rhinocéros (clin d’oeil à la pièce éponyme de Ionesco). Le spectateur est emporté dans une virée haletante et intensément vibrante.

 » Cet univers cybernétique très complexe est le fruit de deux années de travaux, souligne Pietragalla. Nous nous sommes associés avec une cellule spécialisée dans l’événementiel chez Dassault Systèmes-The 3DExperience Company, le leader mondial des technologies d’expérience 3D. Le dessinateur Gaël Perrin a revisité l’espace scénique et l’a transformé en un univers virtuel dans 3D. Comme dirait Ionesco : on ne sait plus où est le virtuel et le réel. En ce qui concerne la musique, il y a du classique, notamment du Wagner. Nous avons travaillé aussi avec Laurent Garnier, DJ français, l’un des plus grands papes de l’électro. Laurent a traité la musique comme la bande originale d’un film.  »

M & Mme Rêve,au Cirque Royal, les 27 et 28 février à 20 h30, le 1er mars à 16 h. www.ballets.be

Barbara Witkowska

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