Petite leçon de démocratie

Existe-t-il un fondement commun au sentiment démocratique ?

Yves Stachefski, Bruxelles La démocratie s’entend comme le gouvernement d’une collectivité par l’ensemble des membres qui la composent, soit directement, soit par délégation. Après débat, on décide à la majorité d’une marche à suivre. Plus généralement, pour qualifier de démocratique un comportement (individuel ou collectif), on usera de critères multiples qui sont de bon sens.

Premièrement, chacun est traité à l’égal de tout autre et son avis, fût-il minoritaire, voire isolé, mérite d’être écouté. Deuxièmement, il faut distinguer l’opinion des données de fait. Comment s’attaquer au problème du chômage si le nombre des chômeurs et la définition qui leur est donnée ne sont pas les mêmes pour ceux qui en débattent ? Troisièmement, une certaine idée du bien commun est supposée guider l’expression des opinions. Lors même qu’on se dispute pour défendre ou obtenir des avantages pour le sous-groupe auquel on appartient, on plaide toujours au nom de l’intérêt général, de bonne foi souvent.

C’est ici que les choses sérieuses commencent. Qu’est-ce qui fait débat : la meilleure façon d’atteindre un objectif commun ou la difficulté de se mettre d’accord sur ce dernier ? On peut penser que, dans le premier cas, la discussion sera technique. Face à une épidémie, on privilégiera l’écoute des experts. Une conception commune de l’intérêt général est une autre paire de manches. Ainsi, faut-il accepter la précarisation du travail ou assurer sa stabilité ? Cette querelle aurait-elle un sens si, de part et d’autre, on avait une même idée de ce qui est profitable à tous ?

Mais comment débattre utilement quand on ne s’accorde pas sur l’intérêt général ? Sous tous les régimes, la violence politique découle de ce désaccord premier. En démocratie, une chose persiste au-delà des divergences : la volonté de vivre ensemble… accompagnée de l’idée de son coût. Comment surmonter les divergences à propos du bien commun ? Par une double approche : la première se limite à rencontrer mes aspirations individuelles (ou de groupe). Le second comporte le désir du vivre ensemble malgré tout. C’est le fondement de la démocratie.

Autrement dit, la démocratie vécue suppose que l’on assigne, au-delà des divergences circonstancielles sur le bien commun, un désir de vivre ensemble qui dénoue tôt ou tard les désaccords. Certes, ce résultat n’est jamais atteint en une fois, il se décompose en une succession de petites avancées qui entretiennent ce désir de communauté sur le (très) long terme. Telles sont sa force dans la durée et son immense faiblesse au quotidien.

par jean nousse

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