rosanne mathot © xzarobas

Perlimpinpin

Où il est question du mot de l’année 2017, de la fuite de la galaxie, de Barbara et d’interrogations.

A bout de souffle, Hollywood nous a mitonné le  » prequel « . C’est le contraire du  » sequel « . C’est un amuse-gueule cinématographique servi après le fromage, la poire, le café et le pousse-café. Un jour, c’est sûr, on va nous amener le Titanic dans une bassine-landau, pour nous faire voir la tête qu’il avait, quand il était tout petit. On nous présentera le Seigneur des anneaux quand il n’était qu’un page. On nous montrera La Piscine quand elle n’était qu’un pédiluve. Tout ça pour savoir comment c’était… avant.

On ferait mieux de se demander ce qui va se passer… après. Parce que là, on file, tous autant qu’on est, juchés sur notre galaxie, à la folle vitesse de 630 kilomètres par seconde. Par seconde ! La Voie lactée a le feu aux miches, alors qu’ici, à Bruxelles, tout est à l’arrêt, le brouillard matelasse de blanc les maisons et les trottoirs. On en oublie les Soudanais torturés ou pas, les exportations d’armes au Yémen et ceux qui se marrent, devant les caméras, un doigt tout près d’un bouton-poussoir ultrasensible, en jouant à celui qui a la plus longue.

Le Fleuri, lui, n’oubliait pas. Le serveur en chef du Café s’inscrivait dans une longue lignée d’angoissés tranquilles qui se posait beaucoup de questions. Il était 14 h 30. Derrière le comptoir, Lorelei essuyait des verres, en chantonnant du Barbara :  » Pour qui, comment quand et pourquoi ? Contre qui ? Comment ? Contre quoi ? C’en est assez de vos violences. D’où venez-vous ? Où allez-vous ?  »

Cette mélopée pleine d’interrogations n’allait pas arranger les bidons du Fleuri, déjà pleins à ras bord de questions de toutes sortes.

– Rien ne change, hein, Lorelei ?

– Non. Mais très lentement.

Plein de choses le taraudaient, le Fleuri. Par exemple, le fait qu’on attribue régulièrement au zèbre une nature drôle. Lui, il ne le trouvait pas spécialement fendard, ce cheval en pyjama. De toute façon, c’était bien simple, son animal préféré, c’était le gigot d’agneau. Il avait toujours eu un faible pour les animaux excentriques, tout autant que pour les mots. Il se souvenait, d’ailleurs, que Rabelais estimait que les mots étaient des  » paroles gelées  » qui ne devenaient des mots qu’au contact des mains humaines, de la chaleur, lorsque les glaçons pouvaient fondre.

Il trouvait ça joli, le Fleuri, magique, même, un peu comme l’expression  » poudre de Perlimpinpin « , dont on avait tellement parlé, en 2017. Mais si. On avait eu le candidat Macron, qui avait balancé de la  » poudre de perlimpinpin  » à la figure de Marine le Pen, dans l’entre-deux-tours, réalisant par là même un prodigieux tour de passe-passe politique. Ensuite, le youtubeur Khaled Freak s’était emparé de la locution et avait fait un tabac sur le Web. Enfin, le dico Le Robert avait sacré perlimpinpin  » mot de l’année 2017 « . Est-ce, comme l’a chanté Barbara :  » Pour retrouver le goût de vivre, le goût de l’eau, le goût du pain, et celui du Perlimpinpin…  » ?

Mais c’est pas tout ça, l’heure tourne ! Où est encore passé le serveur ? S’agirait pas de louper le film qui va démarrer sur la Une, à 20h15…

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