Pension complémentaire : un deuxième bas de laine

– L’Office de contrôle des assurances (OCA) fournit des informations détaillées sur les pensions complémentaires sur son site http:// www.cdv-oca.be/fr/index.htm

– Signalons, pour les personnes averties, la parution de La nouvelle loi sur les pensions complémentaires, par Jean Baeten et Claude Devoet, éd. Larcier, 285 pages. www.espace-larcier.com, rubrique droit fiscal.

C’est un problème de plus en plus souvent évoqué : la chute démographique et le  » papy-boom  » risquent, en matière de pension légale, de nous mener à une équation ingérable. Si l’on veut s’assurer le maintien d’un certain niveau de vie une fois à la retraite, il faut dès lors penser à un plan financier solide, et ce, vingt à quarante ans avant d’en bénéficier… En termes de pension, on peut prendre en considération trois sources distinctes de revenus : la pension légale (dite du premier pilier), la pension complémentaire liée à une activité professionnelle (deuxième pilier) et une pension constituée de manière individuelle (troisième pilier).

Les trois piliers

La pension légale est un droit pour tous ceux qui, ayant atteint un certain âge, ont cotisé à la sécurité sociale au cours de leur carrière. Les régimes diffèrent selon que l’on est salarié, indépendant ou fonctionnaire. En règle générale, pour le calcul du montant de la pension, on prend en considération le salaire plafonné, la carrière, et, pour les salariés et les indépendants, la situation familiale. Afin de bénéficier d’une pension complète, il faut ainsi avoir réalisé une carrière complète. En d’autres termes, il faut avoir travaillé pendant 45 ans pour les hommes et 43 ans pour les femmes. D’ici à 2009, la limite d’âge des femmes va progressivement être alignée sur celle des hommes. Dès 2006, elles devront donc attendre d’avoir 64 ans avant de prendre leur retraite et dès 2009 elles devront patienter jusqu’à 65 ans. Si la carrière n’est pas complète, le montant de l’allocation sera diminué au prorata des années non prestées. Quelqu’un qui a travaillé 35 ans et non 45 touchera dès lors 35/45es de sa pension complète.

A noter que les périodes de chômage sont prises en compte.

Le hic est que de plus en plus de personnes n’atteignent pas cette carrière complète. Sans compter que la rémunération prise en considération pour le calcul de la pension étant plafonnée,  » un travailleur, même s’il a travaillé pendant 45 ans, ne touchera jamais plus de 75 % de son salaire « , explique Lut Sommerijns, avocate. La pension légale est néanmoins intéressante, car il s’agit d’une rente à vie dont le montant est certain, et qui n’est pas dépendante des marchés financiers. Elle peut en outre être réversible au conjoint survivant. Elle a cependant intérêt à être complétée par un autre système de pension.

D’utiles compléments

Il est possible de se constituer une pension complémentaire (2e pilier) dans le cadre de son activité professionnelle. Selon les cas, elle prend la forme d’un engagement collectif ou individuel de pension, voire d’une pension libre complémentaire. C’est ce deuxième pilier que nous allons développer ici.

Signalons cependant, pour mémoire, que le troisième pilier consiste à souscrire individuellement, et non plus par l’intermédiaire d’un employeur, une assurance vie ou décès, voire une épargne-pension auprès d’une compagnie d’assurances. Les assureurs débordant d’imagination en la matière, les formules sont des plus diverses. Ce régime bénéficie, lui aussi, d’incitants fiscaux intéressants.

Modifications législatives

La pension complémentaire peut donc, on l’a dit, utilement compléter la pension légale. A l’heure actuelle pourtant, elle est encore peu répandue. On estime à environ un tiers le nombre de travailleurs qui en bénéficient. Et ceux-ci se recrutent principalement parmi les cadres, voire les employés et les ouvriers de grandes sociétés. Les salariés de PME en sont souvent exclus. En cause : le coût élevé du système.

Une vaste réforme a dès lors été entamée pour démocratiser et généraliser le régime des pensions complémentaires. Elle a abouti, en 2003, à la loi Vandenbroucke, dont la plupart des dispositions sont entrées en vigueur depuis le 1er janvier de cette année. La réforme concerne les travailleurs du secteur privé, les contractuels du secteur public et certains dirigeants d’entreprise. Nous n’aborderons pas ici le cas des fonctionnaires et des indépendants.

De quoi s’agit-il ?

La pension complémentaire est une pension extralégale établie dans le cadre d’une activité professionnelle. Elle est instaurée par l’entreprise ou par un secteur professionnel au profit de ses travailleurs. Les cotisations sont donc versées soit intégralement par l’employeur, soit en partie par l’employeur et en partie par le travailleur, soit, mais c’est rare, uniquement par le travailleur.

L’intérêt d’un tel système ? Constituer un complément de pension à des conditions fiscalement intéressantes (lire en page 100). De plus, à la différence de la pension légale, basée sur un système de répartition et de solidarité intergénérationnelle, la pension complémentaire fonctionne selon un principe de capitalisation : les primes que vous versez aujourd’hui financent votre propre retraite, et non celle des pensionnés actuels.

Les cotisations ne peuvent cependant, en principe, se contenter d’alimenter un bas de laine destiné aux vieux jours. Elles doivent couvrir trois types de risques : la vie (volet pension), le décès et l’invalidité. L’importance consacrée à chacun d’entre eux peut néanmoins varier.

Précisons qu’il existe aussi la possibilité de garantir d’autres risques,  » secondaires « , comme les frais de funérailles.

Tous les travailleurs de plus de 25 ans peuvent bénéficier d’une pension complémentaire pourvu que leur entreprise ou leur secteur professionnel le prévoie, et qu’ils remplissent les conditions d’affiliation prévues dans le règlement de pension.

Suis-je concerné ?

Le nombre de travailleurs bénéficiant d’une pension complémentaire va augmenter. De plus en plus de secteurs sont en effet tentés de créer un tel système pour leurs entreprises, ce qui aura évidemment un impact sur les travailleurs. Les plans de pension mis en place par les commissions paritaires des secteurs industriels et professionnels seront obligatoires pour toutes les entreprises qui en relèvent, qu’elles soient petites ou grandes, qu’il s’agisse de la grande surface ou de l’épicerie du coin. C’est la raison pour laquelle la loi Vandenbroucke favorise les pensions sectorielles.  » Ce procédé est très efficace pour viser les petites sociétés. De cette manière, on oblige tout le monde à participer au plan. Sans compter que les secteurs auront plus de poids pour négocier les conditions du règlement collectif de pension et que cela permettra une économie d’échelle « , explique Lut Sommerijns. Des négociations sur le sujet sont déjà en cours au sein de certaines commissions paritaires.

Quel montant toucherais-je ?

Sur simple demande, tout affilié peut obtenir un exemplaire du règlement de pension ainsi qu’un aperçu historique des montants déjà acquis. De plus, chaque année, l’organisme de pension est tenu de transmettre aux affiliés des informations détaillées sur leurs réserves déjà constituées, le capital à la retraite, et les participations bénéficiaires au 31 décembre.

Afin de comprendre ce que prévoit le règlement de la pension complémentaire, il faut savoir que le mode de calcul de celle-ci peut être établi de deux manières différentes :  » la contribution définie  » et la  » prestation définie « . Dans le premier cas, le règlement détermine la cotisation à verser (par exemple 1 % de la rémunération), mais ne précise pas ce qu’elle rapportera au moment de la retraite. La méthode dite de  » prestation définie  » précise par contre ce à quoi l’affilié pourra prétendre au moment où il prendra sa retraite.

Afin de limiter l’incertitude dans le cadre d’un système de contribution définie, la loi Vandenbroucke oblige les organismes de pension à assurer un rendement minimum au moment de la retraite ou lorsque le plan de pension prend fin. Le taux est en principe de 3,25 % sur le capital constitué par les contributions patronales, moins les frais et les primes concernant les risques  » décès  » et  » invalidité « . Un taux de rendement garanti de 3,75 % existe également sur les cotisations personnelles des travailleurs.

Certains travailleurs peuvent-ils bénéficier d’un régime plus favorable ?

Pour tout nouveau plan de pension complémentaire, il ne peut y avoir aucune discrimination entre les travailleurs : c’est pour tout le monde ou personne. Il est néanmoins possible de prévoir des systèmes différents par catégories, objectives, de travailleurs : employés et ouvriers par exemple. L’employeur peut en outre souscrire un  » engagement individuel de pension  » pour certains de ses salariés ou cadres en raison de motifs qui leur sont propres. Il s’agit d’un complément au régime collectif : pas question dès lors que de tels engagements deviennent systématiques ni qu’ils soient étendus à toute une catégorie de travailleurs. L’engagement individuel est entouré de conditions strictes. Il ne peut être donné que s’il existe déjà, au sein de l’entreprise, un système de pension complémentaire pour tous les travailleurs. Il ne peut être accordé pendant les 36 derniers mois qui précèdent la retraite, la prépension ou la conclusion d’une convention assimilée à la prépension.

Comment vérifier la gestion de ma pension complémentaire ?

L’organisme de pension est tenu de rédiger un rapport annuel et de le mettre à la disposition de toutes les personnes concernées, travailleurs y compris. Ce document doit contenir des informations sur le mode de financement, la stratégie d’investissement à long et à court terme et les aspects sociaux, éthiques et environnementaux y afférents. Il doit également apporter des précisions sur le rendement, la structure des frais et la participation aux bénéfices.

La participation des salariés dépend, quant à elle, du type de pension. Un fonds de pension sectoriel est ainsi toujours géré paritairement (patrons et syndicats). Par contre, la situation est plus nuancée pour les plans de pension établis au sein d’une entreprise. Les organes de concertation d’entreprises classiques, tels le conseil d’entreprise ou le comité pour la prévention et la protection au travail, doivent être consultés à propos de certaines matières, dont le choix d’un organisme de pension ou la fixation des réserves. Pour le reste, tout dépend du type d’organisme de pension choisi. S’il s’agit d’un fonds de pension, la loi impose une gestion paritaire dans de nombreux cas, notamment lorsque le plan prévoit une contribution financière des travailleurs. S’il s’agit d’une compagnie d’assurances, il ne peut y avoir de gestion paritaire. Afin d’assurer une participation des travailleurs, la loi Vandenbroucke a dès lors instauré un organe particulier géré paritairement : le comité de surveillance.

Puis-je choisir la destination de mes cotisations ?

 » Généralement, la couverture est fixe. Certains règlements laissent cependant un choix aux affiliés « , précise Gonzales Stubbe, directeur général du Groupe S. Si l’engagement de pension l’autorise, l’affilié peut choisir la manière dont son enveloppe globale sera ventilée : capitalisation en vue de constituer une pension, couverture décès, assurance invalidité… Cette possibilité a été surnommée le plan  » cafétéria « . Elle permet de tenir compte des spécificités propres à chaque travailleur.  » Si j’ai un bon conseil à donner, il faut au moins prévoir la possibilité de décéder… Qu’il y ait au moins quelqu’un qui en profite si cela devait vous arriver !  » conseille Lut Sommerijns. Certains règlements de pension autorisent également l’affilié à choisir la manière dont son capital sera investi : investissement dynamique, neutre, éthique… L’obligation d’avoir un rendement garanti rend cependant les gestionnaires des plans cafétéria plus prudents sur ce point.

Et si je quitte mon employeur avant l’âge de la pension ?

Les réserves et les prestations pour lesquelles l’employeur a cotisé deviennent des droits acquis pour le travailleur dès qu’il a plus d’un an d’affiliation. Elles lui appartiennent, qu’il reste ou non auprès de son employeur. Ce délai d’un an n’est par contre pas nécessaire pour les réserves constituées par les cotisations personnelles du travailleur. Celles-ci lui reviennent immédiatement.

En principe, le travailleur devra attendre ses 60 ans avant de percevoir le capital ainsi constitué. Dans certains cas cependant, il pourra le faire avant son soixantième anniversaire, mais l’opération est fortement déconseillée : le capital est ajouté aux rémunérations et taxé en conséquence ! A partir du 1er janvier 2010, le rachat des réserves acquises et la liquidation des prestations avant l’âge de 60 ans seront définitivement interdits.

Que faire alors des montants capitalisés ? Si l’affilié quitte son employeur suite à un licenciement ou à une démission, il a différentes possibilités. Il peut continuer, seul, à compléter sa pension. Conditions : avoir été affilié au moins 42 mois, verser maximum 1 500 euros de cotisation par an et ne pas bénéficier d’engagement de pension auprès d’un nouvel employeur. L’opération reste une pension complémentaire du deuxième pilier avec les avantages fiscaux afférents. Elle risque cependant d’être financièrement lourde à supporter, puisque l’ancien patron n’intervient plus dans le paiement.

Autre solution : transférer les réserves acquises à l’organisme de pension du nouvel employeur, s’il y en a un. Aucun coût ne pourra être demandé à l’affilié. Le travailleur peut aussi transférer les réserves vers une caisse commune. Il s’agit d’un organisme de pension qui répartira la totalité du bénéfice procuré par les sommes qui lui ont été apportées entre les affiliés, et ce, proportionnellement à leurs réserves. Les frais d’une telle opération sont limités.

Enfin, le salarié peut aussi laisser sa réserve dormir dans l’organisme de pension de l’ancien employeur et n’y toucher qu’une fois l’âge de la retraite atteint. Mais attention : dans cette hypothèse, la couverture décès risque souvent de disparaître. L’affilié ne touchera donc le capital que s’il est en vie à l’âge de 60 ans. Afin d’éviter ce  » désagrément « , il est souhaitable de négocier une meilleure formule avec la compagnie d’assurance pour combiner une couverture en cas de décès avec le capital constitué.

Un examen de santé ?

Question fréquente : l’employeur peut-il demander à ses travailleurs de passer un examen médical avant de leur accorder un régime de pension complémentaire ? La réponse est négative. Ce type d’examen n’est autorisé que si l’affilié peut choisir lui-même entre une couverture retraite et une couverture décès, et que si le capital décès est 1,5 fois plus élevé que le capital vie.

Y a-t-il des limites aux montants ?

Il y a une limite fiscale aux montants qui peuvent être capitalisés. Comme le précise Véronique Lamy, conseillère au sein du Groupe S, un calcul préalable, doit vérifier que  » le cumul de la pension légale et de la pension complémentaire, collective et/ou individuelle, ne dépasse pas 80 % de la dernière rémunération brute annuelle de l’affilié. Les primes qui dépassent cette limite ne seront pas fiscalement déductibles pour l’employeur . l Géraldine Vessière

Géraldine Vessière

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