Paris gagnant
Des arts du Pacifique aux couleurs de Paul Klee, panorama des expositions proposées en ce début de printemps dans la Ville Lumière.
Arts premiers Les Chamanes de l’Equateur et les îles Marquises au musée du Quai Branly
Un site de la Haute Amazonie a récemment révélé l’existence de pratiques chamaniques remontant à plus de 5 000 ans ! Cette découverte exceptionnelle accompagne les 250 pièces venues d’Equateur pour cette exposition qui entend explorer et expliciter la fonction centrale du chamane appelé à établir les liens entre le monde extérieur (jusqu’au cosmos), l’infra-monde (des esprits et des ancêtres) et Pachamama, la Terre-mère (les animaux et nous). Impressionnant (1).
Matahoata, le titre de cette autre exposition (400 pièces), peut se traduire par » miroir des yeux » : yeux démesurés des statuettes et autres Tiki qui nous emmènent dès le début du parcours au coeur de la culture des îles Marquises. Défilent d’autres superbes objets d’art premier évocateurs de la vie quotidienne, des croyances et des fêtes. L’exposition révèle aussi la résistance à la colonisation et le retour aux sources manifesté dans l’art contemporain local (2).
(1) Jusqu’au 15 mai.
(2) Du 12 avril au 24 juillet. www.quaibranly.fr
Peinture ancienne L’art et l’enfant au musée Marmottan
De l’enfant dieu à l’enfant soldat, les gosses en ont vu de toutes les couleurs entre le Moyen Age et le XXe siècle français. L’art et l’Enfant montre des oeuvres étonnantes au côté d’autres (du XIXe siècle impressionniste) plus attendues. Au XVIIe siècle, un peintre anonyme dresse par exemple le portrait du petit Louis XIV affublé d’une longue robe mais portant les insignes de son futur pouvoir quand, à la même époque, les frères Le Nain notent la pauvreté des gamins en haillons, de façon plus pittoresque qu’empathique. Changement au XVIIIe siècle : d’un côté les avancées de la science (comme dans Femme enceinte partiellement écorchée de Gautier-Dagoty), de l’autre, la reconnaissance de l’enfant comme personne en soi (chez Chardin, Girodet). Il faudra cent ans encore pour que l’art vienne dénoncer l’exploitation des gosses (au travail, à l’armée, sur les barricades) et s’étendre sur les petits bonheurs du monde bourgeois. A cet endroit du parcours, on découvre un inattendu : les dessins réalisés par les enfants de peintres – ceux de Monet, Pissarro ou Maurice Denis. Picasso suit de près et enfin, Dubuffet. Seul regret : l’exposition s’arrête avant d’avoir abordé les nouveaux enfants rois du xxe siècle.
Jusqu’au 3 juillet. www.marmottan.fr
L’impressionnisme en plein air au musée Jacquemart-André
Très longtemps, Paris fut l’épicentre de la peinture en plein air. Or, si le marché se trouvait là, c’est bien en Normandie que les principaux acteurs posaient leur chevalet. La région, des falaises de la côte d’albâtre aux bocages de l’intérieur des terres, présentait en effet quelques atouts propices à attirer les peintres. D’abord, la qualité exceptionnelle des lumières changeantes. Ensuite, la variété des sujets, entre travailleurs de la mer d’un côté et bourgeoisie aisée venue là, par le chemin de fer, pour jouir de la mode nouvelle des bains de mer. Enfin, une certaine qualité de vie, entre le cidre, la matelote et les repas festifs où se retrouvaient les amis Boudin, Monet, Jongkind et tant d’autres… Cinquante tableaux triés sur le volet revisitent l’histoire officielle.
Jusqu’au 25 juillet. www.musee-jacquemart-andre.com
Curiosité Carambolages au Grand Palais
S‘il ne fallait visiter qu’une exposition pour le moment à Paris, ce serait celle-là. Suivant une logique inaugurée avec Les magiciens de la terre (exposition qui faisait la part belle aux arts » non occidentaux » contemporains en 1989), Jean-Hubert Martin propose en effet un parcours inhabituel. Reliant 180 pièces venues de toutes les cultures et de toutes les époques, le commissaire innovant délaisse le parti pris des » tiroirs confortables » (chronologie, époque, style) pour lui préférer l’approche spontanée qui alimente en réalité la mémoire et le travail des créateurs – y compris celui de certains collectionneurs (on songe par exemple à André Breton). Aux classements, Martin privilégie donc le jeu des comparaisons, des associations et des appels inconscients qui se construisent au fil des rencontres fortuites pour le visiteur. En confrontant ex-voto, curiosités, pièces actuelles et anciennes, Orient et Occident, le résultat plonge sans filet au coeur des désirs et peurs de l’humain.
Jusqu’au 4 juillet. www.grandpalais.fr
Art moderne Paul Klee au Centre Pompidou
La rétrospective tente de mettre en lumière le caractère insoumis du peintre allemand. Ses débuts comme dessinateur satirique constituent le point de départ de ce parcours chronologique de 250 oeuvres. Toute sa vie, mais particulièrement lors de sa période constructiviste (liée au Bauhaus), Paul Klee visait une véritable sémiologie des formes. Une quête d’absolu qui était aussitôt » dynamitée » par son sens de l’ironie, visant à dénoncer certaines pratiques érigées en systèmes par ses contemporains. But avoué des commissaires de la présente rétrospective : révéler, dans Klee, tout à la fois » le moine et le comédien « . On notera aussi, quelques étages plus bas, la pétillante expo photos consacrée aux années 1980.
Du 6 avril au 1er août. www.centrepompidou.fr
Art contemporain Matérialité de l’invisible au 104
Les installations, photographies et vidéos réunies dans cet espace multiculturel situé non loin du parc de La Villette invitent le visiteur à prendre le temps, non pas d’une méditation, mais d’une écoute de l’imperceptible. A mi-chemin entre écologie et archéologie, expérience scientifique et bricolage, les artistes y multiplient les approches. Trois exemples. Le duo français Agapanthe propose le spectacle d’une lente disparition d’oeuvres en sucre, les unes évoquant un chantier de fouilles, les autres cristallisant des déchets collectés. Le franco-marocain Hicham Berrada choisit, lui, de perturber la nature par divers procédés comme le changement de température, l’acidité de l’air ou encore les lois de la photosynthèse (il émane ainsi du jardin de nuit de l’artiste des parfums de fleurs). Johann Le Guillerm construit de son côté d’immenses machines animées d’un mouvement de déplacement à peine perceptible provoqué par les seules énergies de la nature.
Jusqu’au 30 avril. www.104.fr
Kounellis à la Monnaie de Paris
Après Daniel Buren, Paul McCarthy et autres David LaChapelle, Jannis Kounellis, l’un des pionniers de l’arte povera, investit les salons de ce bâtiment somptueux construit au XVIIIe siècle (et où l’on frappe la monnaie sans discontinuer depuis). Il se dégage des pièces de l’artiste grec – plaques de métal épais exposées sur des chevalets, charbons ardents et autres tas sur feuilles de plomb disposés à même les sols – une énergie brutale et puissante. Un contraste violent, potentiellement heurtant, avec l’élégance raffinée des marbres et stucs fleuris du décor.
Jusqu’au 30 avril. www.monnaiedeparis.fr
Par Guy Gilsoul
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