Par mots et par vaux

Hommages flamboyants à Nicolas Bouvier : un inédit écrit au Japon complète la réédition des ouvres d’un grand aventurier du verbe

Le Vide et le plein, par Nicolas Bouvier. Hoëbeke, 190 p. îuvres. Gallimard/Quarto, 1 450 p.

Le Genevois Nicolas Bouvier vivait sur un tapis volant. Il avait le feu au derrière et du vent dans ses Pataugas. A 8 ans, déjà, il traçait les méandres du Yukon sur le beurre de ses tartines, pour se persuader qu’il deviendrait un citoyen du monde. Il ne s’en est pas privé et il n’a cessé de jouer les Sindbad, sac au dos, sur des sentiers qui sont désormais les chemins de nos rêves. Sa morale ?  » J’aime que la route me plume et me dépouille « , répondait-il, lui qui partait pour se perdre, et qui se perdait pour ne jamais se retrouver.

Et si Bouvier (1929-1998) est désormais le ténor des  » écrivains voyageurs « , il faut aussi rappeler que la véritable aventure, pour lui, était celle du verbe. Styliste d’abord, et bourlingueur de surcroît. Comme ses compatriotes Cingria et Cendrars, l’auteur de L’Usage du monde et du Poisson-Scorpion fut un fakir de la prose, dont le butin vient d’être réuni dans un flamboyant Quarto : 1 500 pages où défilent tous ses grands titres, comme le bouquet final d’une £uvre qui fut un feu d’artifice.

En même temps, les éditions Hoëbeke publient un inédit précieux, Le Vide et le plein, qui rassemble les notes et le journal intime que Bouvier écrivit pendant son second périple au Japon, entre 1964 et 1966 : du travail de calligraphe, des ciselures de miniaturiste, des haïkus de l’âme, où le voyageur butine la fleur nipponne en se fondant dans les paysages, avec son flair pour seule boussole. Tout est là, le zen et les cruches de saké, les lutteurs de sumo, les belles endormies, la sérénité des sanctuaires, la branche de cerisier et le tumulte des cités, le nô et les tatamis, dans un Japon dont Bouvier sait réinventer les mythes en gardant ses distances û le cliché n’est pas sa tasse de thé. Précis et léger comme une séance d’acupuncture, son récit est un enchantement. Et une magistrale leçon d’ethnographie baladeuse. Avec cette maxime en guise de mode d’emploi :  » Le voyage ne vous apprendra rien si vous ne lui laissez pas aussi le droit de vous détruire. C’est comme un naufrage, et ceux dont le bateau n’a pas coulé ne sauront jamais rien de la mer. Le reste, c’est du patinage ou du tourisme.  »

André Clavel

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire